J6 - La croisière commence

Moment fort de la journée : découvrir notre première tortue marine, sur une plage déserte


Premier réveil à bord du bateau. La nuit s'est bien passée. La navigation vers le nord-ouest de San Cristobal, où nous sommes ce matin, ne s'est pas fait sentir. Audrey, qui a en permanence ses bracelets anti-mal de mer, a bien vécu le léger roulis du bateau. Il est 7h, nous sommes à une grosse centaine de mètres d'une côte volcanique, et d'une plage en sable foncé, et le ciel est globalement couvert. Par contre, il fait bon. Nous prenons le petit déjeuner, copieux, en buffet (pain, oeufs, pancakes), assis par petits groupes de 3 ou 4 personnes. Nous nous habituons aux mouvements du bateau, qui restent légers.

 

Le programme de la journée débute par une marche de deux heures dans cette partie de l'île, en suivant évidemment un chemin déjà tracé duquel nous ne pouvons nous écarter. A l'arrière du bateau, long de 25 mètres, nous enfilons tous nos gilets de sauvetage, montons dans deux zodiacs, et rejoignons la plage déserte. Seule la partie où nous étions hier soir est habitée, et nous avons dû mettre deux heures cette nuit pour arriver ici. Là-bas, des otaries sont allongées et lézardent, par groupes ou en solo. Nous apprenons qu'en général, elles vivent entre 18 et 20 ans, et pèsent presque 100 kilos. Elles portent leur bébé 9 mois, et ce dernier reste en général un ou deux ans avec sa mère. Que mangent-ils ? Principalement du poisson et des crabes. A contrario, elles sont un met de choix pour les requins et les orques. Il est 8h25. Nous sommes avec Enrique, qui va nous guider (même s'il n'y a qu'un seul chemin), et nous donner des informations sur les alentours, la faune, la flore, et cette île. A un mètre de nous, toujours sur la plage, des iguanes marins, noirs, frippés, long d'une cinquantaine de centimètres, sont immobiles, même si nous nous approchons, nous accroupissons, et nous tenons à moins d'un mètre d'eux. Que rico, comme on dit ici ("super" !). Les mâles se colorent souvent de rouge pour attirer les femelles, et ont toujours une grande crête au dessus de leur tête (en tous cas une grande), et le long du corps. Ces dernières changent aussi légèrement de couleur lorsqu'elles portent leur portée. En général, les iguanes marins se nourrisent d'une algue sous l'eau (une des seules espèces au monde, vivant quasiment seulement aux Galapagos), et peuvent rester une demi-heure en milieu aquatique. Nous commençons à marcher, prenons un tout petit peu d'altitude, en progressant à travers des coulées de lave, ou des formations volcaniques, même si de la terre et du sable entourent souvent le bord du chemin. Il y a pas mal de petits arbustes, même si l'endroit n'est pas vert, à cause de la saison actuelle, sèche et froide (même si le temps est toujours nuageux, il ne pleut quasiment jamais, ou très peu, pendant cette période), pendant laquelle les oiseaux trouvent de l'eau dans les cactus. Il y a en effet 9 mois dans l'année où il ne pleut pas, rendant les îles sans beaucoup de végétation, sans fleurs, contrairement à la période décembre-mars, où tout est vert. Le soleil fait sont apparition, nous chauffant les bras lorsque nous nous arrêtons pour écouter le guide, dont le ton est un peu monotone. Dommage qu'il ne soit pas plus enthousiaste, et souriant. Un peu partout, des lézards de lave s'écartent sur notre passage (7 espèces aux Galapagos). Ils sont assez gros, épais, pour nos repères européens. Certains ont une gorge rouge, et peu s'enfuient, comme c'est généralement si souvent le cas en Europe. Il est facile de se baisser délicatement et de se mettre à leur niveau, et de les regarder dans les yeux, même s'ils vont très vite lorsqu'ils s'enfuient dans les fourrés. Comme nous l'avons déjà remarqué depuis notre arrivée, la proximité avec la faune semble très grande. Nous étions par exemple à 1,5 mètre des otaries un peu plus tôt, avant qu'elles ne se mettent à pousser un cri (qui vient du fond de la gorge) pour nous prévenir qu'elles ne voulaient pas être plus dérangées. Et on dirait que ce sont plus les animaux qui sont interessants que le paysage, qui est sympa, mais sans plus. Etant pris entre deux plaques tectoniques, les Galapagos sont des restes de volcans, formés il y a 15 millions d'années, mais les seuls encore actifs (même si tous les volcans sont susceptibles de se réveiller un jour) sont sur les îles d'Isabella (à l'ouest de l'archipel) et Fernandina (à côté d'Isabella). La dernière éruption date d'il y a 5 ans, et le magma fut principalement composée de fer, potassium et magnésium, mais avec très peu de silica. D'ailleurs, le sable de la plage brillait tout-à-l'heure, comme s'il y avait de touts petits morceaux de verre un peu partout (c'est en fait du magnésium). Apparemment, tout cela devrait disparaître dans quelques millions d'années, à cause des mouvements tectoniques. Deux ou trois îles sont d'ailleurs déjà sous l'eau. Nous continuons à marcher, et un peu plus haut, découvrons une jolie zone, près de l'eau, où de la végétation verte au premier plan, rouge au second, tranche avec le noir des rochers, et l'eau au fond. Un bébé fou à patte bleu, une espèce endémique (comme ceux à pattes rouges, et les nasca bubbies), est niché dans son nid, à dix mètres. Nous ne distinguons pas ses pattes bleues, et ses plumes ne sont pas encore véritablement formées. Un peu avant, c'était du lichen bleu qui couvrait les rochers. En écoutant Enrique, nous en apprenons plus sur les phénomènes météorologiques majeurs, comme sur l'influence d'El nino (un courant chaud), et de La nina (un courant froid). Les Galapagos sont en effet au milieu de dynamique climatiques particulières, et au carrefour de plusieurs courants océaniques. Un peu après, à 10 minutes, le paysage est censé ressembler à celui du grand canyon, mais franchement, la comparaison est difficile. On comprend le guide qui veut donner une image de rêve, même s'il en fait un peu trop parfois. De là, nous apercevons le bateau, en contrebas, sans aucun autre bateau autour. Il est 10h30 quand nous revenons sur la plage, retrouvons les otaries, et que Enrique appelle par talkie-walkie le Millenium, pour que les zodiacs viennent nous chercher. 10 minutes plus tard, nous sommes de retour sur le catamaran, et un jus de fruit nous attend, avec quelques gateaux, à peine après avoir posé le pied sur la grande plate-forme arrière.

 

Temps libre ensuite, pendant une demi-heure, avant que la cloche ne sonne pour prévenir que le déjeuner est prêt. Nous nous installons avec le monsieur suisse et son fils indien. Effectivement, comme nous le pensions, ils parlent très peu, et sont un peu étranges. Les trois filles, dont deux occupent comme les personnes à notre table les suites de l'étage (que nous visiterons un peu plus tard après leur avoir demandé), discutent et ont l'air sympathiques. Derrière, Michael, Ryan, Lany et James font de même. Nous sommes les seuls silencieux, à ne pas savoir trop quoi dire, surtout que l'indien ne parle que allemand (et n'est pratiquement jamais allé en Inde). Le déjeuner est bon, à l'image des autres repas. Globalement, le service à bord est correct, avec une mention spéciale pour le serveur, Fabian, jovial, accessible, à l'oeil malicieux.

 

Cet après-midi, nous partons pour une marche de plusieurs heures, pour rejoindre un point situé au centre de cette partie de l'île, afin d'aller voir des tortues terrestres dans leur milieu naturel. Nous rejoignons la plage en zodiac, qui, comme vous l'avez compris, servira à chaque fois de navette pendant les jours à venir. Il est 14h, et à peine arrivés sur le sable clair, et sur la plage déserte (il est interdit à plus de deux bateaux d'être au même endroit au même moment, afin de réguler le tourisme et préserver les animaux des activités humaines), à 50m, se trouve une tortue, proche du bord, immobile. La première que nous voyons. Le début d'une série qui va être fantastique (mais nous ne le savons pas encore). C'est assez magique de la voir là, à l'état sauvage, et d'être à un mètre d'elle, de la regarder dans les yeux, d'observer tous les détails, ou bien de tourner autour. Quelle chance. D'habitude, c'est au zoo que l'on peut voir ce genre d'animal. Nous en avions vu une en Polynésie, au fond de l'eau, mais celle-ci et bien plus belle. Nous qui souhaitions absolument en voir. Ne reste plus qu'à nager avec elle, ce que nous ne pouvons pas faire, en tout cas maintenant. Espèrons que nous aurons de la chance. Après dix minutes à la contempler, elle se met à bouger, difficilement, pour rejoindre l'eau. Cela semble demander un gros effort, être difficile. Laborieusement, après plusieurs coups de nageoires, à avancer à chaque fois de 20 cm, elle parvient à entrer dans l'eau, bien qu'elle re-perde du terrain à cause des vaguelettes, qu'elle affronte de face. Enfin, elle est complètement immergée, et peut s'en aller, avec plus de facilité. Nous la regardons, en distinguant cette tache sombre dans l'eau bleue, et voyons le bout de sa tête sortir parfois de l'eau, afin qu'elle reprenne sa respiration. Génial. A l'époque, Darwin a ramené plusieurs tortues de ce type en Europe, et aux Etats-Unis. Mais le but de la visite n'est pas là. Cela n'était qu'un moment, finalement classique, aux Galapagos. Nous partons en suivant un chemin en sable, et marchons en file indienne, en ayant un peu chaud à cause du soleil. Pendant la première demi-heure, des arbustes nous entourent, avec de petites boules blanches au bout de chaque tige : c'est du coton. Bizarre d'en trouver ici, à l'état sauvage. Nous continuons, à un rythme un peu trop modéré à notre goût, pendant 1h30. Nous croisons enfin quelques tortues (cette fois-ci terrestres), obligées d'aller aussi loin pour trouver un peu de végétation et se nourrir. On imagine la difficulté, et le temps requis, pour que les bébés rejoignent la périphérie de l'île, pendant la saison des pluies. Nous apprenons comment distinguer les males des femelles, ceux-ci ayant une queue plus longue, et une coquille, au niveau du thorax, concave, afin de pouvoir monter sur la femelle lors de l'accouplement (et que les deux carapaces "s'emboitent"). La reproduction leur demande un effort considérable, et parfois, en s'en allant, et en fonction du terrain, le male se renverse, et met un temps fou à revenir sur ses pattes. Sur le chemin, nous croisons une carapace vide, comme celles que nous avons vues dans le centre de Santa Cruz il y a quelques jours (celle-ci est un peu plus blanche), et nous arrêtons pour regarder à l'intérieur. A 15h30, nous avons fait la moitié du chemin, et en avons un peu marre. La dizaine de tortues que nous avons vues pendant cette heure et demi se ressemblent, le chemin est monotone, et Enrique pas très bavard. Il nous reste 5 km à parcourir. D'autres tortues bougent lentement dans les branches d'arbustes, au niveau du sol, et rétractent leur tête si nous passons trop près, visiblement un peu effrayées. Elles ont pour la plupart cent ans. A l'époque, en 1835, Darwin - toujours lui - a ramené en Australie une tortue comme celle à côté de nous. Elle est décédée en 2006. C'est fou d'imaginer tout ce qu'elle aurait eu à raconter, si elle avait pu parler. Ce n'est pas étonnant qu'elle ait été aussi vieille, car les tortues sont parmi les animaux vivants le plus longtemps. Les femelles pondent généralement entre 10 et 15 oeufs, qui incubent pendant 3 mois, avant que les bébés ne soient abandonnés. L'instinct maternel n'existe pas chez elles. A 16h25, nous arrivons au lagon où, pendant la saison des pluie, elles viennent boire. Aujourd'hui, début septembre, l'endroit est asséché, recouvert de pierres volcaniques. Après ces 10km, nous soufflons un peu. Quelques oiseaux s'approchent, pas du tout craintifs. L'un d'entre eux, qui sautillait depuis tout-à-l'heure près de nos pieds, vient même se poser sur James (qui est assis par terre). Nous repartons, car il n'y a pas grand chose à faire ici. L'interêt de la marche était de croiser les tortues, ce qui est bien arrivé, mais ce n'était pas très interessant, et un peu long, dans un décor peu varié. Du coup, Michael, Ryan et Fred partent devant en traçant pour rejoindre au plus vite notre point de départ, afin de faire un peu de snorkeling. Enrique nous avait en effet conseillé de prendre nos combinaisons, masques et tubas, au cas où nous ayons suffisament de temps. Ils mettent 1h20 (qui paraissent interminables) à rentrer (il y avait donc moins de 10km à parcourir), et sont dans l'eau lorsque les autres arrivent. Le temps est nuageux, et la lumière commence à baisser. Sous l'eau, la visibilité est très faible (on ne voit qu'à un mètre, comme un épais brouillard). Par contre, pas besoin d'aller très loin pour voir une tortue, puis une deuxième, au milieu des algues, par un mètre de fond. Cela fait bizarre de ne rien voir à cause du sable, du plancton, et des algues, et de voir cette masse apparaître au dernier moment. C'est donc très sympa d'en voir sous l'eau, mais sans pouvoir vraiment apprécier quelque chose. Malheureusement, impossible d'aller un peu plus loin, car il est l'heure de rentrer sur le bateau, après 15 minutes dans l'eau. Il est 18h, et le temps que les zodiacs arrivent, et de rejoindre le bateau immobile au milieu de la baie, il est 18h20. Comme ce midi, une boisson nous attend. Enrique demande alors avec insistance à Fred de payer la location du masque et du tuba (10$ pour les 4 jours), sans semble-t-il vouloir lui laisser le temps de prendre une douche, alors que nous allons encore être 3 jours sur le bateau, et qu'il paraît a priori difficile de s'enfuir. C'est un peu étrange, surprenant, et gênant. Un détail, avec d'autres moins importants, qui feront que tous ensemble, nous ne trouvons pas notre guide, ni la plupart des membres de l'équipage, très agréables, détendus et souriants. Avec d'autres passagers (les filles ayant la suite, qui sont à bord déjà depuis 4 jours), nous modifierons un soir à venir - après avoir joué aux cartes, ou à des jeux d'énigmes - les infos écrites à propos du programme du lendemain, pour rigoler gentiment, et mettre un peu d'humour sur le bateau, en rajoutant par exemple un code vestimentaire "Chic & smart" pour le dîner, ou un "open bar" entre 22h30 et 23h00, ou encore un "bain de minuit avec l'équipage". Nos annotations seront effacées au petit matin, et Fabian le serveur sympa, nous dira que cela n'a pas fait rigoler Enrique et ses collègues. Cela aurait été plus sympa (et malin) de leur part d'en jouer avec un ton léger, comme tout le monde le pensait, lors du briefing du lendemain. Bref, la croisière voulait s'amuser. Nous prenons notre douche. Fred attend une réponse pour plonger demain matin à Kikers Rock, mais celle-ci arrive bientôt, et est négative, sans bien comprendre la raison. Dommage, vraiment. Nous dînons, encore assis avec le suisse et son fils indien. L'ancre du bateau touche le fond de l'eau à 20h30, après avoir navigué pour rejoindre la partie ouest de l'île. Audrey joue un peu aux cartes avec les filles, pendant que Fred est sur le pont supérieur, et retourne à la cabine une heure plus tard, à cause du mouvement du bateau. Fred, à l'arrière du bateau, à l'étage, assis dehors autour d'une table avec Ryan et Michael, boit quelques verres en jouant aux cartes, et en discutant avec eux, notamment du conflit israelo-palestinien, puisque Michael, sortant des 3 ans d'armée obligatoires, est très peu religieux et très ouvert. Nous écoutons de la musique, partageant les mêmes goûts musicaux, et restons tous les trois à rigoler, puis allons nous coucher vers 2h15 du matin, après avoir remarqué qu'une otarie s'était hissée sur la plate-forme juste en dessous, être passés à côté d'elle pour utiliser la mer comme wc (moment génial, et si drôle), et s'être amusés à essayer de la toucher, alors qu'elle est un peu endormie, sans vraiment se soucier de notre présence. Moment incongru, si différent, qui nous lie un peu tous les trois...

 

 

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Commentaires: 1
  • #1

    Sophie (dimanche, 23 août 2020 08:22)

    Nous, nous avons eu bien plus de chance que vous avec notre guide à NewYork, bien plus sympa et souriant que le vôtre ici !!! On vous transmettra ses coordonnées :-)