J5 - Machu Picchu

Le réveil est un peu dur, mais finalement pas autant que prévu. Il est 3h45. Le réveil de nos deux amis n'a pas fonctionné, et à 4h, heure du rendez-vous dans la salle du bas pour prendre le petit-déjeuner, nous allons frapper à leur porte. En les attendant, nous nous installons à une table de la guesthouse, prête, pour boire un café et manger un ou deux petits pains, les yeux encore à moitié fermés. Le rendez-vous de 4h15 devant la boulangerie, pour récupérer nos lunch-box, est raté. Il est 4h30 quand nous y arrivons, après avoir laissé une partie de nos affaires à la guesthouse. Nous n'avons en effet pas besoin de tout ce que nous avons emporté (pas grand chose pourtant, deux petits sacs à dos, en comptant l'ordinateur, les cables pour recharger les appareils, une serviette et quelques autres choses) pour la journée. Le second Antoine nous attend comme prévu. Nous restons peu de temps. C'est que plus nous attendons, plus il y aura de monde là-haut, sur le site.

 

Il y a deux manières d'arriver à Machu Picchu depuis Aguas Calientes, et de monter les 400m de dénivelé, pour atteindre les fameux 2600m d'altitude. Prendre un bus qui vous y emmène, à partir de 6h du matin, ou monter à pieds via une longue série de marches qui coupent à travers la route sinueuse. Ayant pourtant les tickets de bus compris dans notre excursion, nous avons choisi de monter à pieds. Déjà que nous n'avons pas pu faire l'Inca Trail, ce trek mythique de 4 jours permettant de suivre un chemin majeur emprunté par les Incas à l'époque, ni le Salkantay, l'alternative (par manque de temps). Alors pour marcher un peu dans les traces des incas, nous préférons monter à pieds. Oui, on aime bien se faire mal. Nous partons donc rapidement, dans le noir, suivis par d'autres touristes qui vont faire de même. Une fois le point de contrôle franchi, après avoir attendu 20 minutes en faisant la queue, nous commençons à monter les marches, dont la taille varie, faîtes de pierres, composant un chemin étroit qui coupe verticalement la route qu'empruntent les bus. Ceux-ci commencent d'ailleurs à défiler à partir d'un moment, les pots d'échapement parfumant agréablement l'air quand nous faisons des pauses sur le plat de la route, après avoir franchi un tronçon raide pendant le quart d'heure précédent. C'est que les montagnes du coin ne sont pas très hautes dans l'absolu (altitude max 3000m), mais raides, et émergent par petits groupes serrés de la vallée, avec des parois bien verticales de 500m, recouvertes pour la plupart par la forêt. Cela nous rappelle vaguement le sud de la Chine. Pendant la montée, chacun va à son rythme, et nous nous perdons régulièrement. Audrey a la forme, mais sans sac. Le jour se lève. En se retournant à un moment, nous nous rendons compte que nous avons pris un peu de hauteur, et découvrons les autres sommets autour. Envie de sauter dans le vide, de faire du deltaplane, ou quelque chose comme ça. Après plusieurs arrêts, et s'être concentrés sur nos pas lents pendant les 45 minutes de montée, nous arrivons en haut, et découvrons une longue queue à faire pour franchir l'entrée du site. Les bus arrivent, vont et viennent. Machu Picchu est en effet l'un des sites les plus visités au monde (N°1 selon trip advisor http://www.businessinsider.com/worlds-best-attractions-2013-6?op=1), avec plus de 2500 visiteurs par jour (ce qui est dénoncé par l'Unesco, car le site se détériore trop vite à cause de l'affluence. Certains parlent de mettre en place un téléphérique, ou des horaires de visite). A vrai dire, cette pause fait du bien, et nous permet de récupérer. Après 15 minutes, nous franchissons la porte, avançons dans une allée en pierre où tout le monde attend son guide (nous avons rendez-vous avec le notre à 7h45, ce qui nous laisse une heure), découvrons notre première ruine, montons encore quelques marches, et arrivons devant le site, encore sous la brume. Devant nous, la vue que tout le monde connait, celle sur toutes les photos. C'est superbe. Derrière, au fond, le Huyana Picchu (lui aussi sur toutes les photos de magazines), qu'il est possible de monter, en réservant à l'avance. Nous monterons de notre côté un peu plus tard la montagne Machu Picchu, juste derrière nous, pour surplomber tout ça de 500m plus haut, et être sur un point culminant du coin. Il y a du monde, mais moins que ce que nous pensions. Quelques groupes se baladent en effet dans les ruines, mais tout le monde attend que les premiers rayons de soleil éclairent l'ancienne cité, pour prendre la photo qui va bien. En quelques minutes, la chaleur des rayons dissipe la brume, et l'endroit se dégage complètement. Franchement, c'est beau, et fait partie des dix plus belles places que nous ayons visitées (l'endroit est 57ième dans le classement 2013 National Geographic). Nous restons donc là, à regarder, ou à faire quelques mètres supplémentaires pour atteindre une zone spécialement aménagée pour prendre LA photo, celle qui représente le plus souvent le site. Il est 7h. Nous marchons sur les zones en terrasse, juste derrière nous, prenons un peu de hauteur, nous retournons pour voir le site d'une manière différente, puis rejoignons l'entrée pour rencontrer le guide, et nous mêler à la quinzaine d'autres personnes. Là, chaque guide crie le nom des personnes manquantes dans son groupe. Fred en profite, pour s'amuser, pour crier quelques noms bien forts, comme s'il était guide (Enrique y Jennifer Lopez... Fernando Miguel...), en attendant de partir.

 

Une fois tout le monde regroupé, nous remontons vers le point de vue, et faisons un arrêt un peu à l'écart pour écouter le monsieur qui sait. C'est le début de la partie éducative. Ceux qui veulent peuvent directement passer au paragraphe suivant. Machu Picchu (signifiant "vieille et grande montagne") est une citadelle inca du 15ième siècle (finalement assez récente, donc), à 2430m d'altitude, construite par l'empereur Pachacutec. Elle est située au Pérou (ah oui, pardon, on le savait). L'endroit est considéré comme un centre politique, religieux et administratif, et dû accueillir entre 300 et 1000 habitants, appartenant vraisemblablement à une élite, ainsi que par d'autres personnes, venant de différents lieux de l'empire, pour effectuer le travail agricole. Une forte division sociale régnait alors. D'ailleurs, pour être "inca" (le terme fait référence à un leader politique, ou dirigeant régional), il fallait être intellectuel, "intelligent", et apporter du savoir. A l'époque, la région est densément peuplée, et huit grands chemins de communication existent pour relier les différentes grandes cités incas. A la mort de Pachacutec, les empereurs suivant delaissent l'endroit, notamment car une nouvelle voie de communication est ouverte, rendant le site moins stratégique dans l'administration du royaume. En 1536, c'est dans un contexte de guerre civile interne (les incas se sont alors en partie massacrés entre eux) que les espagnols arrivent à Cusco, et commencent leurs conquêtes. Il semble qu'ils connaissent le site de Machu Picchu, mais rien ne dit qu'ils se fassent une idée de sa grandeur passée. Aujourd'hui, 70% du site est originel, et 20% a été rénové (quid des 10% manquant ?). Sa construction n'a d'ailleurs pas été achevée, à cause de la mort de Pachacutec. On dit en Europe que tous les chemins mènent à Rome; ici, tous mènent au centre du monde, soit Cusco. La contruction en trapèze des batiments, avec une base plus large que le sommet, permet de mieux résister aux séismes, euh, aux interventions divines, et l'emplacement du lieu, en plus d'être plus proche des divinités et de favoriser les relations avec elles, permet d'impressionner, et rend plus facile la défense en cas d'attaque (comme pour nos chateaux au moyen-âge). Eloigné des axes de communications et économiques de l'empire espagnol, le site est laissé à l'abandon, et oublié. Au 19ième siècle, des explorateurs semblent indiquer son existence, sans toutefois se rendre sur place. Bien que certaines traces écrites entretiennent le flou, la découverte du site est attribuée à un historien américain de l'université de Yale, Hiram Bingham, en 1911. Le site est alors en friche, et Bingham sollicite l'appui financier de la célèbre université ainsi que de la National Geographic Society pour commencer les premières fouilles et l'étude scientifique. Il est le premier à reconnaitre l'importance des ruines et à les faire connaître. On imagine l'homme passer des jours dans la région, à l'époque, suivre des informations orales, de vieilles légendes, recouper des informations partielles et sûrement peu précises, et suivre une piste, et une famille locale l'emmener et lui faire découvrir l'endroit, vierge, abandonné (ou presque selon certaines versions, car certains chercheurs d'or avaient mentionné l'endroit une dizaine d'années auparavant). Apparemment, deux familles vivaient au pied la montagne, et n'étaient pas montées par peur des démons, car les animaux montés là-haut ne redescendaient jamais (l'herbe devait être meilleure). C'est à ce moment, et dans les années qui suivent, que de nombreux objets sortent du pays, que le Pérou tente toujours de récupérer d'ailleurs. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, Machu Picchu est le principal lieu touristique du pays, et est classé à l'Unesco depuis 1981. De grands auteurs s'en inspirent, comme Pablo Neruda. Plus récemment, et au combien symbolique pour les plus jeunes d'entre vous et ceux qui liront ce blog dans 50 ans, dans l'épisode 2 de la série 20 des Simpsons, Homer part à la recherche de Bart au Machu Picchu. Si si. Un concours controversé il y a quelques années (une sorte de sondage sur Internet, regroupant tout de même des  dizaines de millions de personnes, dont la valeur est celle que chacun veut bien lui accorder) en fait l'une des sept "nouvelles" merveilles du monde (même si le site a 500 ans d'existence). Architecturellement, le site est divisé entre une zone agricole, et une zone "urbaine", au milieu de laquelle se trouve une grande place, avec des niveaux en terrasse, surplombée d'un autel où avait lieu des offrandes et sacrifices (d'animaux noirs, car la couleur est pure pour les andinos), fait d'une pierre sculptée aux formes d'une montagne proche. C'est d'ailleurs au sommet d'en face, le Huayna Picchu, que se trouve le temple de la lune. Une momie de femme y a été retrouvé à l'époque. La "maison de l'inca" se situe à une sorte de carrefour entre la place et une grande allée. Contrairement aux autres sites que nous avons visités, les pierres utilisées ici ne sont pas parfaitement taillées, sont irrégulières, et remplies du coup de terre, faisant office de ciment. Sur la terrasse extérieure, une tour circulaire ("le temple du soleil") sert de point d'observation militaire, mais aussi agricole. Les rayons du soleil le 21 juin, lors du solstice d'été, traversent en effet la porte et la fenêtre de la tour, arrivant directement d'un petit espace triangulaire formé dans la montagne en face. Cela donnait des indications sur le changement de saisons, et du coup sur les cultures agricoles. Néanmoins, leurs connaissances astronomiques étaient probablement faibles : la Terre était plate, des noms différents étaient donnés par exemple à Mercure, qui est d'un côté différent du soleil le matin et le soir, et l'instrument d'observation principal était l'oeil, dont la vision devait être biaisée par les croyances religieuses. Leurs observations astronomiques, couplées à des sacrifices pour favoriser les cycles lunaires et solaires, étaient par conséquent utilisées à des fins agricoles. Autre part, le guide nous explique le mécanisme pour ouvrir une porte, par effet de coulissement, avec une corde tirée par une bête, et nous montre les zones spécifiques autour de la porte pour mettre en place ce mécanisme, qui fonctionne comme une sorte de pont-levis. Le système d'irrigation est discret, mais efficace, et parcourt tout le site. Les différentes habitations, construites souvent sur deux niveaux, disposaient d'un lieu de vie, et d'un étage supérieur pour conserver les aliments secs. Au delà de l'organisation sociale et architecturale, c'est la question de la construction du lieu et de l'acheminement des pierres, pour un peuple qui ne connaissait pas la roue, qui reste la plus mystérieuse. Les pierres, venant des parois les plus proches, devaient être écartées puis cassées sous la pression de bois humide, qui gonflait, enfoncé dans les creux et les endroits taillés, puis mises dans des fours pour les faire exploser sous l'effet de la température. La visite des différentes parties du site, sous le soleil, à naviguer entre d'autres groupes de touristes, dure deux heures.

 

Il est 10h passé lorsque nous terminons. Tout juste l'heure pour monter en haut de "La Montana", ou la montagne Machu Picchu, à côté, dont l'entrée ferme à 11h. Il fait chaud, et nous avons une heure et demi de marches, de marches, et encore de marches, pour parvenir en haut, et gravir les 500m de dénivelé. C'est pentu, étroit, et fatiguant. Mais en prenant notre temps, en buvant toute notre eau, et en perséverant, nous arrivons. Et après la montée depuis Aguas Calientes, celle-ci se fait plus sentir. Nous avons du coup un peu de mal dans les derniers 100m à franchir. Le panorama là-haut est superbe. Une vue à 360°, légèrement plus haute que les autres sommets, avec les ruines en contre-bas, toutes petites, le Huayna Picchu et les autres en trois dimensions, et la ville d'où nous venons 1000m plus bas. Nous nous posons pour déjeuner, en économisant les derniers centilitres d'eau que nous avons. Nous restons une grosse demi-heure, puis devons partir, car un garde (monte-t-il ici tous les jours ?) annonce la fermeture. Le temps de descendre, il sera en effet 14h. Nous repartons, parmi les dernières personnes. Sur le dernier tiers, nous ne rêvons que d'une chose : un coca bien frais, et de l'eau. Une fois de retour sur le site, nous repassons entre les ruines. C'est en effet notre dernière chance d'en profiter. Nous descendons quelques terrasses, repassons entre ce qui fut auparavant d'anciennes habitations, puis retrouvons Antoine et Clément, qui sont déjà à la porte d'entrée, à la buvette, en train de se rafraichir. Nous faisons de même sans attendre. Rarement nous n'avons tant eu envie de boire. 20 minutes plus tard, après s'être un peu reposés, nous redescendons à Aguas Calientes, en bus cette fois-ci. Nous trainons un peu dans la ville, puis regagnons la guesthouse, où nous pouvons prendre une douche. Bonheur suprême ! Puis nous allons boire un verre dans l'autre guesthouse, avec le deuxième Antoine, avant de nous diriger vers la gare, juste à côté, pour prendre le train du retour vers Ollaytatambo, à 19h, puis un minibus, une heure et demi plus tard, pour rentrer à Cusco. Il est presque 23h quand nous arrivons, fatigués (bien que nous ayons un peu dormi pendant les trajets retour), mais contents d'avoir visité ce fabuleux endroit. A la guesthouse, une soirée a lieu dans le bar, faisant pas mal de bruit. Fred reste un peu dans le hall pour être sur l'ordinateur, et discute avec un anglais et un argentin, pendant qu'Audrey prépare les sacs (nous partons demain pour Lima) puis va se coucher. La journée fut longue, remplie, mais fantastique.

 

 

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Commentaires: 4
  • #1

    Fred (lundi, 26 août 2013 09:55)

    Super journee et le temps avait l air magnifique !
    Ca a ete pour moi un des sites que j ai prefere visiter dans mes voyages
    La brume qui se leve et donne la vue pleine sur le site ... grand souvenir !

  • #2

    Fred (lundi, 26 août 2013 10:15)

    Le charlot qui arrive en sifflant en haut ... on voit que l acclimatation prolongee paye !

    Sinon, depuis que vous etes en payes Inca, vous avez vu les drapeaux "gays" ?!

  • #3

    Marie (lundi, 26 août 2013 13:50)

    Grandiose !!

  • #4

    Sof (samedi, 07 septembre 2013 08:11)

    Machu Pichu: done! :-)