J7 - Welcome to the jungle

Sacs bouclés et affaires triées, nous partons de l'hôtel pour aller goûter les viennoiseries d'une boulangerie française, sommaire d'apparence, donnant directement sur la rue, sans chichi, typique des coins reculés, où quelques boliviens aident le français qui a ouvert le lieu. On s'installe sur le comptoir donnant sur le trottoir, et prenons des forces en savourant les pains au chocolat et beignets aux pommes, petits mais tendres et délicieux. Miam. Les deux anglais qui vont partir avec nous, Emma et Jamie, passent devant nous et se rendent à l'agence. Nous, nous repassons par l'hôtel, pour prendre nos affaires, puis faisons de même, en remontant la rue principale déjà animée. Il est 8h30 quand nous laissons une partie de notre package dans les locaux de l'agence Machaquipe, et rangeons le sac de couchage et le tapis de sol que l'on nous prête pour ces trois nuits. Dehors, il se met à pleuvoir à torrent. Du coup, tout le monde a droit à un poncho. Espèrons qu'il ne fasse quand même pas trop mauvais aujourd'hui et les jours prochains. Heureusement, la pluie se calme vite, mais laisse de grosses traces d'humidité dans l'air. Le ciel reste couvert. Au moins, nous n'aurons pas trop chaud.


Nous rencontrons Reynaldo, un bolivien d'une petite trentaine d'années, qui va nous servir de guide et nous en apprendre plus sur la "selva". Nous partons tous les cinq, en direction de la rivière toute proche, pour poser nos affaires sur un bateau long et étroit, en bois, afin de rejoindre l'autre bord du fleuve, et de pouvoir acheter les pass d'entrée du parc national Madidi. Jamie est excité (il est un peu bizarre néanmoins, mais marrant), il aimerait apprendre à fabriquer un abri naturel et dormir dedans ce soir ou demain. L'ambiance est bonne, et nous avons tous hâte de découvrir la jungle. Il est 9h15, le Rio Beni est d'une couleur terre, tout est vert autour, et nous partons pour 3h à remonter le fleuve, afin d'atteindre le premier campement, celui où nous dormirons ce soir. Le Rio Beni est un affluent de l'Amazone, qui est également abbreuvé par d'autres rivières, comme le Rio Ruichi, où nous irons naviguer, ou que nous longerons à pieds ces prochains jours. Le fleuve est calme, nous remontons le courant, et avons le temps d'admirer le paysage, et de nous imprégner des lieux. Reynaldo est réservé. D'autres bâteaux semblables au notre, ou de plus petites embarcations, passent régulièrement dans un sens ou dans un autre. Après une grosse heure, nous nous arrêtons sur l'un des bords à un check-point, pour valider notre pass. Nous rentrons véritablement dans le parc national. Un bruit étrange, très exotique, totalement nouveau se fait entendre. C'est un des oiseaux, plus précisément un perroquet, au dessus de nous, caché dans un arbre. Un bruit digne d'un film de science-fiction, long, qui roule, puissant, très étonnant. Il nous plaît bien ce bruit. Bienvenu dans la jungle. La végétation est luxuriante, les feuilles de certains arbres immenses, et les lianes épaisses. Il fait chaud (mais pas étouffant), humide, et ne pleut plus. Reynaldo nous explique que différentes communautés habitent de chaque côté du fleuve, en harmonie, et se partagent des parties de forêt. Nous reprenons le bateau, et à 11h50, arrivons au campement. Nous montons nos sacs, en remontant péniblement les marches en pierre, un peu nombreuses, permettant d'atteindre les trois ou quatre chambres en bois, grandes, construites au milieu de rien, sur un terrain où la végétation a été dégagée. C'est clean, et pas mal du tout. Dans chaque habitation, des moustiquaires sont installés au dessus des lits, et une petite commode permet de poser son sac. Il y a même un peu plus loin des douches communes, et un évier pour se laver les mains. Tout, à part cet évier, est en bois. Bref, c'est loin d'être sommaire, même si rien ne tranche par rapport au milieu naturel dans lequel nous sommes, et que tout se fond pour former un tout harmonieux. Un vrai éco-lodge en fait. De grands bananiers, et d'autres arbres, sont évidemment juste là, à côté. Nous retrouvons le même cri de perroquet que tout-à-l'heure. Nous rejoignons une grande hutte et nous asseyons à l'une des tables pour boire un thé ou un café, et retrouvons par hasard un couple d'anglais que nous avions croisé dans la guesthouse à Santiago, lors de la soirée "jeu", il y a plus d'un mois. 12h10, heure du déjeuner, préparé par un membre de Machaquipe, appartenant à la même communauté que Reynaldo, dans la cuisine à côté. Au menu, soupe, puis riz, poulet, et légumes, avec du jus de fruit. C'est bon, et copieux. Nous disposons ensuite d'une demi-heure pour nous reposer, et préparons un petit sac à dos, pour aller marcher quelques heures dans la forêt, et revenir ici. Reynaldo nous conseille de prendre une protection contre les moustiques. Enfin, nous allons pouvoir utiliser l'un des nombreux sprays, bracelets ou crème dont nous disposons, et dont nous ne nous sommes quasiment jamais servis depuis le départ. Nous choisissons de prendre ce que nous avons de mieux, la crème Odomos achetée en Inde. Il est 13h, et nous partons pour 3h.

 

La marche est sympa, facile, sur un chemin dejà ouvert. La forêt est un peu moins impressionnante que ce que nous avions en tête. Néanmoins, nous apprenons pas mal de choses, à propos par exemple des vertus bénéfiques de la sève de certains arbres (toxique dans certaines proportions), de certaines feuilles d'arbres (qui, machées ou infusées, apaisent des douleurs d'articulations par exemple), ou encore d'écorces spécifiques. Autre part, la sève d'un arbre peut être matisquée, comme du chewing-gum. Plus loin, en croisant une des nombreuses termitières géantes qui parsément les troncs d'arbre ou le sol, Reynaldo nous explique qu'en prenant un bout, et en y mettant le feu, la fumée permet de soigner certaines piqûres. Il nous montre les colonnies de fourmis, qui s'activent sur une centaine de mètres, à transporter de petits bouts de feuilles, pour former une colonne verte le long du chemin. A côté, ce sont d'autres fourmis, rouges ou non, dangereuses celle-ci, qui transportent une poche d'eau sous leur bouche. En continuant, nous entendons un cri d'oiseau, régulier, qui est celui du toucan. Dommage, nous ne parvenons pas à le voir. A un moment, Reynaldo se met à l'arrêt, et se met à imiter des bruits d'oiseaux, ou de singes, pour les attirer. C'est assez impressionant. Il s'arrête aussi régulièrement en entendant certains bruits, qui nous échappent, pour tenter de nous montrer certains animaux, comme des singes-araignées, là haut, un peu plus loin, qui font bouger les branches d'arbres et que nous apecevons brièvement, fuyant au bout d'un moment en sautant d'arbres en arbres. Il nous parle du Jaguar, maître incontesté de la jungle, avec le puma. Tout cela est très interessant, différent. certes, la partie de forêt où nous sommes n'est pas impraticable, ressemble assez à celle du Cambodge, ne paraît pas dangereuse, mais en étant attentif à tous ces bruits, ou en comprenant le rôle de certains arbres, et leurs effets thérapeuthiques, nous sommes tous deux d'accord pour dire que nous ne sommes pas dans une forêt qui ressemble à celles que nous connaissons. Reynaldo nous parle de son ressenti, de cette faune et de cette flore qui l'ont accompagné depuis son enfance, et nous dit que la forêt est mystérieuse. Il nous parle d'un arbre, l'un des plus gros et des plus vieux, dans un endroit reculé, où il est impossible de dormir à côté, à cause de visions et de cauchemars. Nous terminons la marche en discutant, ou en jouant à nous balancer le long de lianes interminables. Il n'y a pas énormément de lumière, car il ne fait pas très beau. Les verts se ressemblent donc.

 

De retour, nous faisons une pause pour boire un peu et avaler une banane, puis repartons, pour aller de l'autre côté du fleuve, pas très loin, et rejoindre après 20 minutes de marche au milieu de bananiers asséchés, en suivant un chemin plus escarpé et étroit que le précédent, un plan d'eau, pas très grand, où nous allons tenter de pêcher des piranahs. Ces derniers préfèrent en effet les eaux stagnantes, plutôt que les endroits où le courant est fort. Malheureusement, malgré les bouts de viande rouge que nous accrochons à nos hameçons, les multiples tentatives, le changement d'endroit pour essayer un autre point d'eau, nous n'en attraperons pas. Fred est déçu. Nous avons pourtant eu des touches, mais rien de très excitant, ni d'eau qui se met à boullir à cause de l'activité de ces poissons carnivores attirés par le sang de la viande, pour créer une effervescence effrayante vu du bord. Il doit bien y en avoir quelques uns, mais ils sont plutôt timides. Après, ce sont des poissons qui ne font que passer tout près de l'hameçon, très vite, en donnant un coup de dent pour arracher un petit bout. Ils sont donc difficiles à ferrer. Cela dit, c'est quand même un peu flippant de regarder ce plan d'eau verte, la végétation autour, de savoir que nous sommes dans la jungle et éloignés des habitations, en pleine nature tropicale, et de se dire qu'il doit y avoir des piranahs là dedans. D'où la déception de ne pas en avoir pris, pour les observer de plus près. Et ce ne sont pas les deux tortues qui se retrouvent avec l'hameçon pris dans la bouche qui vont nous consoler. Les pauvres. Jamie et Fred ont du mal à retirer l'hameçon, bien pris dans la lèvre inférieure. Nous appelons donc Reynaldo, parti pêcher avec un arc, pour nous aider. Une fois, puis un deuxième un quart d'heure plus tard. Nous restons une heure, et rentrons au crépuscule, accompagnés par des bruits étranges, provenant entre autres de gros oiseaux ressemblant à de la volaille. Il est 19h.

 

De retour au campement, nous plaçons notre moustiquaire. Il y a un peu d'électricité. Nous partons à trois chercher du bois, pas très loin, pour faire un feu, que nous allumons après avoir dîné (là encore, c'est copieux et bon). Bonne nouvelle, dans ce campement fixe, une bière est disponible, permettant de nouer contact avec le cuisinier, et d'en offrir une à Reynaldo. 20h15, les premières braises apparraissent. Nous discutons, éclairés seulement par les flammes, et entendons à un moment du bruit dans les arbres. Ce sont deux singes, que nous éclairons à la frontale, en réussissant à les distinguer à peu près. En continuant la dicussion, qui tourne autour de la forêt, Reynaldo s'en va, puis revient, afin de répondre à une question de Fred, concernant les araignées du coin. Il souhaite nous montrer une tarantule. Génial. C'est le bon moment, car ces araignées sont nocturnes. Nous faisons quelques dizaines de mètres, sans nous éloigner du campement, pour rejoindre une petite cabane semblable aux autres. Là, Reynaldo nous montre un nid, difficile à remarquer de prime abord, car niché entre différentes feuilles de babaniers servant pour le toit, et la tarantule, aux bouts des pattes orangés, à côté. Whou, une vraie, une de taille normale, dans son milieu naturel. Nous nous approchons, conscients néanmoins que ce genre de bêtes peut sauter et faire des bonds assez grands. Reynaldo nous dit qu'il n'y a rien a craindre, qu'elle ne réagira négativement que si nous tentons de l'écraser, et qu'elle utilisera d'abord ses poils urticants (qui ne le sont pas à cet instant) avant de mordre. C'est en tous cas une belle bête, assez impressionnante. Il nous propose de la prendre pour nous la poser sur le bras ou la figure, mais nous préférons pour le moment nous habituer à sa présence. Nous verrons demain, même si Fred hésite. Dommage, car nous n'en reverrons pas comme cela, aussi "disponible". Juste à côté, Il nous montre un autre nid, bien plus visible, sur un tronc d'arbre. En se penchant pour regarder dans l'orifice large de six ou sept centimètres, nous apercevons une autre tarantule à l'intérieur. C'est qu'il y en a bien plus que nous pensions dans le coin ! Mais avec les explications de Reynaldo, et en ayant vu sa connaissance de la forêt et son calme, la présence de ces espèces tropicales, qui font tant travailler l'imaginaire, est un peu dédramatisée. En tous cas, voilà bien quelque chose qui participe à l'ambiance "jungle" dans laquelle nous sommes. Il est 22h, il se met à pleuvoir un peu, et nous ne tardons pas à nous coucher, en dessous de quelques cafards rouges vifs, après avoir rigolé un peu avec notre guide, et en ayant le sentiment de mieux se connaître, et de s'apprécier.

 

 

Écrire commentaire

Commentaires: 0