J3 - Salar de Uyuni

Départ difficile à 5h du matin, encore tout endormis, sans avoir mangé, assis dans le 4x4 qui roule sous le ciel noir et étoilé. On ne sait pas vraiment dans quelle direction nous allons, et faisons confiance à Alberto pour nous emmener dans le plus grand désert de sel au monde, le Salar de Uyuni. 10 000km² de sel à 3600m d'altitude, une épaisseur de 2 à 100m selon les endroits, formé il y a 10 000 ans, contenant les plus grandes réserves de lithium au monde, l'endroit est recouvert par une couche d'eau d'une dizaine de centimètres entre décembre et avril, lui donnant l'aspect d'un gigantesque miroir (une pub Air France y a d'ailleurs été tournée). L'idée est d'arriver pour le lever de soleil. Nous roulons depuis une bonne demi-heure quand d'un coup, alors qu'il fait encore bien sombre et qu'il n'est pas possible de vraiment distinguer ce qu'il y a devant nous, notre chauffeur éteint les phares de la voiture. Certes, il y a un petit trait lumineux sur l'horizon, sur notre droite, mais cela n'éclaire rien. En fait, nous comprenons rapidement que ca y est, nous sommes dans un endroit complètement plat, et que rien ne peut arrêter la voiutre, nous faire sortir d'une route qui n'existe pas, ou créer un quelconque accident. Dans ce désert plat et blanc (mais nous ne le voyons pas encore), nous pouvons rouler où nous voulons. Nous nous dirigeons vers "l'Ile de l'Inca" (Incahuasi), un bout de terre complètement isolé, émergeant au milieu du désert, sur lequel nous allons monter pour observer le soleil se lever. Nous mettons une demi-heure supplémentaire pour la rejoindre. Désormais, il fait jour, même si les premiers rayons n'ont pas encore percés. Sur le trajet, une autre voiture roule à la même vitesse que nous, décalée d'une quinzaine de mètres derrière, et à ving ou trente mètres sur notre droite, pour former une sorte de tandem traçant au milieu de rien.

 

Nous arrivons vers 6h10, et sommes loin d'être les seuls. Plusieurs véhicules sont garés, pour venir comme nous admirer l'aube. Nous faisons la queue pour prendre notre ticket d'entrée (oui, il y a une petite cabane appliquant un droit d'enrée), et montons pendant un bon quart d'heure les nombreuses marches permettant de rejoindre le sommet de ce monticule haut d'une cinquantaine de mètres, envahi par les cactus, dont certains ont 900 ans. Un décor un peu fou, improbable, au milieu d'une plaine blanche, avec des montagnes à l'horizon. La ville d'Uyuni est à 70km d'ici. Nous sommes un peu esssouflés en arrivant en haut, malgré les arrêts pour regarder les cactus sur le chemin, qui semblent avoir poussé comme des champignons. Il fait froid, très froid même. Nous trouvons tous les 6 une place pour faire face au soleil, qui se lève quelques minutes après. Réverbération oblige, nous enfilons tous nos lunettes, et prenons de nombreuses photos. L'endroit se vide rapidement, et nous sommes presque les derniers à descendre. C'est beau, et plus le soleil monte, plus le blanc tout autour vient frapper nos rétines et découvrir son immensité. Tout est plat et blanc. Quelques voitures arrivant ou repartant donnent une idée des échelles, impossibles à deviner dans cet espace surréaliste. Parfois ont lieu ici des courses de voitures, lors de la fête d'Uyuni. Il est 7h30.

 

Alberto a éloigné un peu la voiture de l'île, et préparé un petit déjeuner, que nous prenons à une centaine de mètres de là. Des tas de sel, bien que jamais très hauts, sont formés ci et là, comme si cela était du sable. Nous regardons à l'horizon et essayons de mesurer des distances sans succès. L'appareil photo donne du sien. Nous repartons vers 8h20, pour rouler vers Uyuni, l'endroit qui terminera nos 3 jours de road trip. Mais avant, arrêt obligatoire au milieu du désert, avec cette fois-ci aucun repère, afin de nous amuser à faire des photos seulement possible dans ce genre d'endroits où le cerveau perd la notion de distances, et jouer avec les illusions d'optique. Alberto, sur le chemin, en roulant dans cette immensité blanche et plane (cela fait vraiment bizarre d'être complètement entourés de blanc), nous explique la signification du drapeau bolivien, dont les couleurs sont le rouge, le jaune et le vert. La première représente le sang (perdu à la guerre), la seconde le minéral exploité dans le pays, et la troisième la jungle.

 

Une heure après avoir roulé toujours dans la même direction, nous nous arrêtons. Nous aurions pu nous arrêter avant, ou après, cela n'aurait rien changé tant tout est pareil depuis un bout de temps. Par terre, des dalles octogonales de sel d'une trentaine de centimètres recouvrent la surface, à perte de vue. On y est. Nous avions vu des images, mais cette fois-ci, c'est nous qui sommes là. Du sel, partout, toujours, avec cette petite croute qui forme ce dallage. Nous prenons des photos, et nous amusons pendant trois quarts d'heure à faire des photos de groupe, en utilisant l'absence de repère pour créer des effets d'optique, en s'y reprenant souvent à plusieurs reprises. Une voiture passe à 500m, seul point noir sur ce tapis blanc. Nous marchons, nous éloignons, courons, revenons, nous accroupissons pour regarder la formation de sodium. C'est fou, et génial. Un endroit unique, à la hauteur de ce que nous pensions. Nous ramassons quelques cristaux, dont nous nous servirons pour cuisiner plus tard. Puis, à 10h30, nous repartons. Après avoir terminé de traverser cette immensité, nous arrivons presque au bord, dans un hôtel de sel, sans grand intêret puisque nous avons passé la nuit dans un endroit similaire. Nous n'y restons donc pas longtemps. Nous faisons une deuxième pause 15 minutes plus tard dans la mine de sel locale, où des tas de sel tapissent le sol, nous rapellant les mines d'opale de Coober Peedy, en Australie, bien que les couleurs soient différentes. Nous profitons de cet arrêt pour déjeuner sur le pouce, car il est 11h10. La fin du voyage arrive. La ville d'Uyuni, là où se termine notre aventure, est à quelques kilomètres, toute proche, juste à la limite du désert de sel. Derrière, la couleur sable a en effet repris ses droits. Nous repartons une demi-heure plus tard. Sur le chemin, un ou deux mirages semblent prendre forme en regardant à l'horizon, sous la forme de montagnes ovales qui n'auraient pas de base. Il y a bien des montagnes, mais l'humidité et la courbure de la terre changent leur forme. Nous passons à côté de nombreux hôtels en contruction suite au prochain passage du Dakar en janvier 2014. Alberto y voit là un facteur de développement, grâce aux routes qui vont etre construites. Il prend aussi conscience, en nous posant des questions, que cela va permettre au monde de voir le désert de sel, et donc attirer indirectement de nouveaux touristes.

 

A Uyuni, nous faisons un dernier arrêt dans un cimetière de trains, où une dizaine de vieilles locomotives à vapeur sont laissées à l'abandon. Ce sont en fait celles des premiers trains de Bolivie, transportant vers 1870 les minerais locaux vers les ports du Chili, comme Antofagasta. Dans la ville, vivant en grande partie du tourisme, nous découvrons les premières zones habitées du pays. C'est pauvre, les rues sont larges, les habitations basses. Il fait chaud. Surprise, il y a beaucoup de monde, et tous les enfants, nombreux, sont vétus de costumes traditionnels. Nous apprenons en effet que demain, c'est la fête nationale. Et aujourd'hui, c'est celle des enfants. C'est donc une ville animée, mais dans laquelle nous ne comptons pas rester, que nous découvrons. Nous faisons une pause le temps d'aller retirer de l'argent, à quelques rues de là où Alberto a garé la voiture, et en profitons pour observer cette effervescence. Puis vient le temps des adieux, et celui de trouver un bus pour rejoindre Potosi, une ville bien plus grande. Audrey, Antoine et Clément gardent les sacs sur le trottoir pendant que les autres vont se renseigner sur ceux disponibles pour rejoindre l'étape suivante. Une, puis deux agences, nous permettent de trouver ce que nous cherchons. Nos amis vont vers La Paz. Par chance, un bus part pour Potosi dans 10 minutes, nous laissant peu de temps pour nous dire au revoir. Il n'est en effet pas très utile de rester ici, d'après les dires d'Alberto et d'autres personnes croisées au Chili, car la ville n'a pas d'intêret, et il n'y a rien à faire. C'est d'ailleurs bien notre impression à première vue. Nous sautons donc dans ce bus local, où nous sommes les seuls occidentaux. Faisant bien attention à nos affaires, nous nous installons, et partons. Le trajet va durer 4 heures et dix minutes. Le décor change complètement. Une seule route passe par là, traversant des montagnes de faible altitude recouvertes de cactus, dans une terre aride et jaune. Une autre sorte de désert vallonné différent finalement. Cela fait bizarre, nous ne nous attendions pas à cela, mais sommes agréablement surpris par ce contraste. Le bus s'arrête régulièrement, pour prendre des gens sur le chemin, alors qu'il ne devait s'arrêter qu'une seule fois. Nous hésitons à descendre à chaque fois pour surveiller nos sacs dans la soute, mais y renonçons. Question de feeling. En fait, nous nous sentons transportés vers autre chose, de complètement différent. Voilà trois jours que nous n'avons vu presque personne, et nous voilà dans une ville et dans un bus fréquentés et animés. Il faisait froid, et nous avons maintenant chaud. Les couleurs étaient variées, elles sont maintenant uniformes et différentes. Excellent, et brutal.

 

Nous arrivons à 17h30 à Potosi. Une ville importante, et elle aussi animée. Bienvenue en Bolivie. La gare routière ne nous inspire pas, sûrement à cause de toutes les histoires et mises en garde que nous avons entendues. N'ayant aucune idée de où dormir ce soir, nous interpellons un voyageur de notre style pour lui demander conseil. Nous avons bien une guesthouse en tête, mais il ne la connait pas. Cherchant un peu de confort, et espérant avoir Internet, nous décidons du coup de suivre son conseil, et d'aller dans un hôtel de meilleure qualité, même si un peu plus cher (mais abordable, nous sommes en Bolivie), en prenant un taxi qu'un commerçant local nous appelle. Il paraît qu'il faut se méfier des faux taxis ici, mais tout va bien. Nous arrivons du coup à l'hôtel Jérusalem, en centre-ville, et posons nos affaires au troisième étage. C'est drôle, car Fred, qui monte le sac d'Audrey, est un peu essoufflé après avoir monté les escaliers. C'est normal, car nous sommes ici à 4000m d'altitude, même si le décor, en dehors des montagnes à la terre jaune, ne le laisse pas penser. La chambre est confortable, et nous avons une douche privée. Dommage que l'eau ne soit quasiment pas chaude, ou si peu de temps. Quoiqu'il en soit, se poser fait du bien. En bas, nous nous renseignons sur les manières de visiter la mine. Nous sommes en effet là pour ça. Nous pouvons réserver une visite pour demain matin, ou aller faire un tour en ville pour voir ce que propose les autres agences. Souhaitant enchainer les choses au plus vite, étant un peu fatigués après s'être levés tôt et avoir fait pas mal de choses aujourd'hui, nous cédons à la facilité et, après un petit moment de reflexion, réservons pour demain matin (nous pourrons donc sûrement partir pour La Paz dans la foulée, et prendre un bus de nuit du coup). La bonne et la mauvaise nouvelle, c'est que demain, c'est la fête nationale. Les mineurs ne seront donc peut-être pas tous là, et l'activité de la mine probablement restreinte. En revanche, cela nous permet d'assister aux défilés lorsque nous allons nous balader dans les rues autour de la place centrale quelques instants après. Nous traversons un marché, le "mercado gremiak" où plusieurs petits stands de nourriture sont installés, dans une sorte de souk, passons devant la Casa de la Moneda, devant la cathédrale (petite mais jolie), et tombons sur la place centrale, où un monument aux morts est érigé au milieu. La nuit tombe, mais cela n'empêche pas la ville d'être animée. Il y a pas mal de monde, et de tous les âges. Les femmes agées sont toutes habillées d'un châle, de collants, et d'un chapeau, dans un style bien caractéristique de cette région andine. Impossible de se tromper de continent. Une scène est installée, prête à recevoir les officiels. C'est qu'après-demain, Evo Morales sera ici, car Potosi est cette année LA ville de la fête nationale (cela change chaque année). Nous réfléchissons du coup à rester un jour de plus pour être là, et être témoins de cet évènement d'envergure, à observer comment les choses se passent, et comprendre la culture et la manière de vivre du coin (nous resterons finalement sur notre plan intial, pour ne pas perdre de temps, car il nous reste beaucoup de choses à faire avant notre vol pour l'Equateur dans 2 semaines). Nous marchons dans les rues, nombreuses, parfois pentues, étroites, en gardant une main dans notre poche pour faire attention à l'appareil photo, que nous sortons discrètement de temps en temps pour voler quelques instants. Puis, arrivant sur un petit carrefour en redescendant vers l'hôtel, nous tombons sur le défilé. Des gens semblent attendre le passage d'officiels politiques ou de militaires depuis des heures, assis sur un petit tabouret ou sur le trottoir. Les forces militaires de différentes villes passent devant nous (Sucre, Potosi, armée navale...). Certains portent un hélicoptère miniature sur le dos, indiquant leur appartenance à un corps spécial. Une, puis deux fanfares passent. Dans les tournant, les hommes, fiers, tentent de rester alignés, même s'il reste pas mal de progrès à faire. Des gens applaudissent. Nous restons vingt minutes à regarder tout cela. Puis croisons en continuant vers l'hôtel le défilé des associations de la ville (gymnastes, danseurs...). Il fait un peu froid, et la crève de Fred, qui n'est pas très en forme, bien présente. Nous ne nous éternisons donc pas, et rentrons nous poser un peu, avant de ressortir pour dîner dans un café un peu sympa sur la place (et donc de nouveau être au milieu des festivités et de l'agitation locale), où nous attendons très longtemps les pâtes (délicieuses) que nous avons commandées. 23h, il fait froid, nous retournons dans notre chambre non chauffée, et nous endormons très vite, sac de couchage déplié au dessus des couvertures, le paquet de mouchoirs à portée de main.

 

 

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Commentaires: 4
  • #1

    La Plume de Rosa (mercredi, 14 août 2013 08:07)

    niveau

  • #2

    François P. (mercredi, 14 août 2013 23:05)

    Superbes photos. Pour les cactus de plus de 900 ans j'y croyais pas. Je sentais un bluff de Fred. Du coup je suis allé sur internet et en effet, il y aurait dans ce désert un cactus de 1203 ans, le plus vieux du monde...

  • #3

    Alix (vendredi, 16 août 2013 22:12)

    Coucou vous deux!
    Je profite d'une journée entière chez moi pour me remettre à niveau sur votre site (il était temps je sais).
    J'apprends du coup que tu t'es fait mal aux côtes Audrey, j'espère que ça va??
    Je reviens de 2 semaines en Thaïlande après 1 semaine à NY et avant 1 semaine en Italie ( je pars demain), autant dire que j'ai un minuscule aperçu du voyage que vous pouvez vivre ;-)
    Pas trop fatigués de tous ces transports?
    En tout cas j'adore vos photos (une préférence pour celle avec la botte) et la mine m'a vraiment impressionnée, il ne faut pas avoir peur des petits endroits sombres...
    Je suis vraiment fière de tout ce que tu fais Audrey, je n'en reviens pas Bravo.
    Je vous embrasse fort à très vite.
    Alix

  • #4

    Fred (dimanche, 18 août 2013 08:14)

    Ca claque !
    Je voudrais bien tenter avec une voiture de sport sur le lac sale ca doit etre sympa L)
    Cool la pub pr Coca cola ... Faites gaffe ils vont demander des Royalties !