Moment fort de la journée : progresser sur une petite arrête en luttant contre le vent
Après la belle et longue journée d'hier, nous espérons aujourd'hui en prendre autant plein la vue, en allant visiter un autre coin du massif, cette fois-ci à l'ouest, pour nous rapprocher de l'autre groupe de sommets connus, le Torre. Nous nous levons donc tôt, sachant qu'il y a plus de quatre heures pour y parvenir, et partons de nouveau vers 9h du matin, au moment où les premières lueurs apparaissent. Nous partons du côté droit du village, et mettons une grosse demi-heure pour en sortir, n'arrivant pas à trouver la direction à suivre pour rejoindre le sentier. Le village a en effet grandit trop vite, et le plan sur la carte distribuée à notre arrivée n'est plus à jour. D'autres rues sont apparues, d'autres intersections, ce qui fait que suivre celles indiquées ne vous mène nulle part. En outre, le nom des rues n'est pas indiqué. Commode pour se repérer. Et à cette heure, nous sommes les seuls dehors. Nous errons, Fred, qui souhaitait se mettre directement en route, est un peu agacé par ces allers et venues qui nous font tourner en rond, à perdre du temps, confirmant notre sentiment d'hier à propos des progrès à faire en terme de fléchage. Nous repartons donc au bout d'un moment vers la guesthouse et refaisons les 800m, avant de croiser une argentine souhaitant faire la même marche que nous. Elle nous dit connaitre le chemin, mais après la première bifurcation, il s'avère qu'elle ne sait pas bien où aller. Nous poursuivons, rencontrons un nouveau croisement de rue, allons au hasard, puis apercevons un panneau, situé en haut d'une petite colline, annonçant le début du chemin. Ouf. On est parti.
Le chemin est classique, étroit, en terre, serpentant à travers la steppe, coincé entre deux flancs pas très hauts. Quelques traces de neige sont présentes. Il fait en revanche assez froid.
Comme hier, il n'y pas un poil de vent. Le début de la marche est un peu monotone, et pas très interessant. Mais au bout de 30 minutes, nous finissons de contourner un bout de
montagne, et tombons sur un joli panorama, regroupant le Fitz Roy et les trois pics du Torre, dont les parties inférieures restent masquées par un autre flanc derrière lequel il va
falloir passer. Ce sera pour dans deux heures. D'ici là, la progression devient un peu plus ardue, non pas à cause de la neige, qui reste discrète et peu gênante, mais à cause de la
glace, et des cours d'eau gelés, notamment ceux coulant sur la paroi par laquelle nous devons passer. Autre part, le chemin disparait sous l'eau, dans une sorte de marécage pas très
grand, mais suffisament embêtant pour nous obliger à trouver un autre passage, ou à en construire un à base de bouts de bois mort. L'argentine est toujours là, mais a du mal à nous
suivre. N'ayant pas de batons, et tenant une gourde à la main, il est moins évident pour elle de passer par là. Elle décide du coup de rebrousser chemin, d'autant qu'elle doit prendre
un bus à 16h, et qu'il reste encore beaucoup à faire. Effectivement, il y a peu de chance qu'elle soit rentrée à cette heure là. Dommage qu'elle n'ait pas continué un peu - même si cette
partie était un peu pénible - car nous tombons peu après, environ 10 minutes, sur le premier point de vue. Devant nous, une vallée partiellement enneigée, avec au fond le Torre, et le
creux au milieu de la montagne qui s'apparente à notre destination finale. Nous faisons une petite pause, et reprenons la route. Pendant l'heure et demi qui suit, nous marchons à
l'ombre - le soleil n'étant pas encore assez haut pour que les rayons passent au dessus du flanc que nous longeons, sur notre droite - et traversons une forêt d'arbres morts, puis une grande plaine partiellement glacée. C'est sympa, mais beacoup moins qu'hier. Du coup, le temps est un peu long. Et
les jambes, ou plutôt les genoux, sont un peu lourds consécutivement à la journée d'hier. Mais peu à peu, nous nous rapprochons, bien que le Torre
disparaisse de notre champs de vision un bon moment, avant de réapparaître magistralement quand nous arrivons sur le point de vue
final, plus enneigé que le précédent, après avoir progressé juste en dessous d'une petite arrête, sur laquelle nous montons en quelques enjambées pour découvrir un grand lac gelé, dans lequel flottent quelques icebergs, et au bout duquel
coulent deux glaciers, partant de chaque côté du Torre et des deux autres sommets. C'est très beau, et de nouveau, le paysage, les couleurs, nous font
penser à une peinture. En revanche, le vent s'est levé, et commence à souffler un peu trop à notre goût. La visibilité est
néanmoins parfaite. Malgré la fatigue après ces deux heures et demi de marche, le vent, et ce qu'il nous reste à faire (nous voulons rejoindre un point de vue optionnel proche du glacier), nous sommes contents, et avons fait le bon choix
d'attendre aujourd'hui pour marcher. Les trois voyageurs avec qui nous sommes arrivés il y a trois jours n'ont par exemple pas eu la chance de voir ce
que nous voyons, à cause des nuages, et n'ont pu prendre que les icebergs en photos, sans savoir ce qu'il y avait derrière. Le Torre
est d'ailleurs réputé pour être souvent caché par les nuages se regroupant autour de la pointe verticale qu'il forme, et frustrer bien des marcheurs. Bref, nous sommes chanceux.
Etant là, nous choisissons de poursuivre le long de la longue arrète contournant le lac par la droite, pour aller au lookout proche du glacier. Apparemment, personne depuis quelques jours n'y est allé, puisqu'il n'y a aucune trace dans la neige, épaisse de dix à vingt centimètres. Les traces précédentes, bien que recouvertes et relativement masquées, se devinent sans grande difficulté. Fred ouvre donc le chemin, et nous voilà à prendre un peu de hauteur, en marchant sur une arrête rocheuse, qui nous emmène vers le début du lac, et donc vers le Torre. Des deux côtés, la pente est faite de cailloux recouverts par la neige, et tombe sur une cinquantaine de mètres, avec un angle acceptable d'une trentaine de degrés. A part le vent qui souffle très fort sur ce chemin exposé, il n'y a pas de difficulté particulière. Quelques bourrasques soulèvent régulièrement la neige, nous obligeant à nous arrêter et à nous retourner pour ne pas en prendre plein la figure. Nous sommes distants d'une vingtaine de mètres, ne nous entendons parfois pas quand l'un parle à l'autre, et nous regardons les premières vingt minutes pour savoir si nous continuons. Il n'y a absolument personne dans le coin, comme depuis que nous avons quitté le village d'ailleurs. Nous mettons une heure à arriver. Nous avons un peu froid, surtout aux mains, malgré nos gants, à cause du vent. Ne trouvant plus le chemin, ayant faim, et doutant que ce dernier continue et passe perpendiculairement à une pente très exposée d'où doivent parfois tomber rochers et blocs de neige (en fonction de la saison), nous nous arrêtons sous un gros rocher, relativement à l'abri du vent, pour manger nos sandwhich jambon/beurre quasi congelés. Pourtant, nous l'apprendrons plus tard, le mirador Mastri est bien là-bas, un peu plus loin que là où nous sommes. Dommage. La vue reste très belle, avec l'ensemble du glacier en face de nous, et la fin d'un autre le rejoignant. C'est d'ailleurs là-bas, sur ce dernier, que les polonais ont monté leur camps de base avant-hier. On comprend qu'ils soient fatigués. Rejoindre le glacier et progresser sur presque deux kilomètres comme ils l'ont fait, en portant tout leur matériel, doit ête épuisant. Nous faisons quelques photos, essayons de nous rechauffer les mains avec un chauffe-main périmé qui ne marche pas, et repartons. Il est 14h20.
Nous mettons de nouveau une heure à retrouver les icebergs et la fin du sentier. L'envie est grande de descendre la faible pente menant au lac, complètement gelé, pour aller voir les blocs de glace, dont l'eau est probablement multi-centenaire, de plus près (quand on imagine qu'ils étaient à un moment en haut de la montagne, et le temps qu'ils ont mis à arriver ici). Fred cède à la tentation, en faisant attention en bas lorsqu'il marche sur la surface gelée. Quelques craquements se font entendre. Après deux mètres, en y allant doucement, une couche de glace cède, et nous voyons que l'eau n'a pas gelée uniformément, mais par couches successives de trois ou quatre centimètres d'épaisseur. Tout va bien. Fred ne s'aventure pas très loin, et est sur la partie la plus gelée du lac. Audrey le rejoint, pour toucher les icebergs, loin d'avoir la taille de ceux des reportages polaires cependant. Mais cela fait bizarre d'être à côté de ces bouts glacés d'un mètre de haut, et d'avoir le lac derrière, puis la chaîne en arrière-plan. Une vision que nous n'avions jamais eue. Nous faisons un petit bonhomme de neige pour laisser une trace, puis repartons, car l'heure tourne, et nous avons trois heures de marche devant nous. Conformément aux prévisions météo, des nuages de haute altitude commencent à voiler le ciel, sans être pour autant menaçants. Après une heure et demi, le Torre, dont nous ne voyons plus la base à cause d'un flanc de montagne, est dans les nuages, et disparait peu à peu, chaque fois un peu plus quand nous nous retournons. La marche est longue, et pas beaucoup plus interessante qu'à l'aller, tout en restant quand même globalement sympa, grâce au décor enneigé. Le dénivelé est négatif, ce qui n'est pas pour nous déplaire après ces deux jours assez intenses. Nous retrouvons la partie par laquelle le journée avait commencé, à devoir descendre en passant sur des plaques d'eau gelée. Rien de très méchant si l'on fait un peu plus attention à certains endroits. Puis la neige se fait moins présente, et nous arrivons à 18h30 à El Chalten, soit 9h30 après être partis, après 24km et 7h30 de marche.
Malgré la fatigue d'Audrey, un peu plus marquée que d'habitude, nous passons à l'agence de bus avant de rentrer. Il nous faut en effet acheter notre ticket pour demain. Nous mettons les voiles pour autre part. Le temps va se gâter, et nous avons fait ce que nous souhaitions ici. Nous paierons demain le bus pour El Calfate - la CB d'Audrey ne marchant pas dans le seul ATM disponible ici - et paierons le bus pour Bariloche là-bas, quand nous achèterons notre ticket. Dire qu'il va falloir faire ce long détour pour rejoindre cette ville d'Argentine, qui n'est qu'à mi-chemin de Santiago, et passer 27h en bus pour y aller. Heureusement que les bus sont confortables ici. Nous passons ensuite à la boulangerie, achetons une petite viennoiserie au dulce de leche (on a une grosse faim à vrai dire), et retrouvons nos quartiers, où plusieurs français de tout âges sont arrivés dans la journée. La douche est un plaisir, tout comme les pâtes carbo que nous préparons. Nous passons notre dernière soirée, bien que fatigués, avec les polonais, une ou deux bouteilles de vin sur la table, et Yvan, l'américain de Chicago, fasciné par notre voyage. Nous lui montrons du coup quelques photos et vidéos, et répondons à ses questions. Quand Audrey part se coucher, vers 23h30, il nous signale que nous sommes les bienvenus dans la capitale de l'architecture. Ca tombe bien, l'avion du retour vers la France transite par là-bas, et nous pensons depuis quelques temps à y passer quelques jours. Fred y est allé une fois et aimerait beaucoup y retourner, surtout avec Audrey. Il reste discuter avec les polonais de leur ascension, leur pose des questions, regarde les cartes avec eux, et lui expliquent où et comment ils ont monté leur tente il y a deux jours. Il en apprend plus sur l'ice-climbing, sur la préparation, la planification et la progression sur glacier, sur cascades gelées et terrains engagés, ainsi que sur les procédures pour tout redescendre une fois l'ascension terminée, et regarde des photos du livre qu'ils ont sur le massif. Une surperbe discussion, qui permet de sentir la tension impalpable propre à chaque ascension, d'autant que celle-ci est technique et de bon niveau, d'après tous les commentaires entendus sur le Torre et sa difficulté. Une vraie performance est en train de se préparer, avec le mental qui se met en marche, mélangeant concentration, angoisse, excitation, confiance, tout en sentant qu'ils s'attaquent à eux-mêmes, comme n'importe quel grimpeur devant un sommet difficile, malgré leur expérience et leurs antécédents. Une chance d'avoir pu échanger avec eux à l'aube de leur départ. Il est 00h30 quand Fred se décide à monter. C'est vrai qu'il faut partir tôt demain matin.
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CHRISTIANE (jeudi, 25 juillet 2013 18:10)
il faudra bien les 27heures de bus pour que audrey se repose!
quels paysages! mais vraiment ça se mérite je vous admire!
super si tu peux faire découvrir chicago a audrey elle mérite bien ce détour!
rosa la plume (vendredi, 26 juillet 2013 09:15)
Magiques ces paysages!
Audrey, tu continues à nous surprendre,aussi à l'aise dans les Andes que sur la scène!!!!!
La Plume de Rosa (vendredi, 26 juillet 2013 19:20)
tout
CHRISTIANE (vendredi, 26 juillet 2013 20:04)
tient! la plume! il avait disparu! bonjour!