J13 - Torres del Paine

Moment fort de la journée : observer les couleurs du ciel de Patagonie changer au coucher du soleil


Premiers réveillés, dans la guesthouse silencieuse, et déserte, à 7h ce matin. Nous avons rendez-vous à 8h30 à quelques rues d'ici pour aller chercher la voiture, et filer dans le parc pour commencer à marcher, après avoir pris les infos nécessaires au point d'entrée, appelé "Administracion". Mais en descendant l'escalier, personne n'est là, et le petit déjeuner n'est pas du tout près. Bon, on fait quoi ? On réveille Paulina, ou on se débrouille ? Allez, deuxième option. Nous fouillons donc un peu partout dans les tiroirs et placards pour trouver notre bonheur, et manger un peu. Dire que nous voulions prendre un gros petit dej pour ne pas avoir faim trop tôt, et se caler correctement. Next time. En fait, on décide d'aller chercher la voiture, et de voir en revenant, en espèrant que la maitresse de maison sera levée, ne serait-ce que pour nous donner comme prévu un réchaud à gaz (pour pouvoir faire cuire nos pâtes dans le parc les prochains jours). On sent déjà que nous allons être en retard. Nous partons à 8h20, arrivons à l'heure, et attendons dix minutes dans la rue déserte, mais sous un ciel dégagé malgré la température, que notre homme arrive. Un peu plus et nous commencions à avoir peur d'attendre une demi-heure.

 

La voiture est un 4x4, plus de 200 000km au compteur, dont les portes s'ouvrent en grinçant, la porte du coffre devant être manipulée spécialement pour être ouverte, les sièges usés, et l'intérieur sale et archaïque. Il nous explique comment fonctionne le second levier de vitesses, ainsi que deux ou trois autres choses classiques, nous rappelle ce qui est important pour lui (rétro, phares, accident), après avoir fait le tour du véhicule ensemble. Il nous laisse les clés, et s'en va. La voiture est facile à conduire, automatique, même si la direction est un peu lache, et les freins pas très réactifs. C'est pas du neuf, ça a du en voir de toutes les couleurs, mais ça reste efficace. Et pour ce que nous allons en faire, peu importe. Nous revenons à la guesthouse, où tout le monde dort encore. Bon. Nous fouillons, déjeunons ce que nous trouvons, et regardons près du bureau, en haut de l'armoire et dans une petite pièce à côté pour trouver quelques petites bouteilles de gaz presque vides, une casserole en alu "scout toujours", et un réchaud. On aura mis du temps, quasiment 20 minutes, mais c'est bon, nous avons tout. Il est 9h40, et enfin, nous pouvons partir.


Avant de quitter la ville, nous passons à la station faire le plein. Les premiers vingt kilomètres après avoir suivi les flèches pour prendre la route du parc national, sont goudronnés, et partent se perdre dans la steppe. En dehors de la ville, il n'y a rien, que la nature. Il fait beau, comme les derniers jours, et les angoisses que nous avions à Puerto Montt à propos du temps sont clairement dissipées. Nous qui avions peur d'être dans le brouillard ou sous la pluie ici. Le paysage, en tournant pour prendre désormais une piste en gravier, sans aucune autre voiture autour, ressemble à la Nouvelle-Zélande, mais il y a quelque chose de différent, sans pouvoir dire quoi. Au fond, des montagnes, dont nous nous rapprochons. Plus près, c'est la steppe. La route est large, mais à 80km/h, la voiture chasse de temps en temps, mais tient la route. Cela nous rappelle un peu l'Australie, et les pistes dans le désert. Par contre, le vent est fort. Certains panneaux signalent d'ailleurs les mouvements latéraux qu'ils peuvent causer. Nous passons à côté d'un grand lac aux reflets bleutés, et apercevons un ensemble de pics, groupés, au fond. Nous essayons de trouver les trois "tours", ou sommets, donnant son nom au parc, mais en vain. En revanche, au fond, sur la gauche, nous apercevons le glacier Grey, qui semble immense (une sorte de mer de glace), où il est apparemment possible d'approcher ses pieds après une longue marche. Le vent est terrible.


Nous arrivons à l'entrée du parc vers 12h, où nous devons payer les 15 euros de droit d'entrée. Torres del Paine, c'est le plus célèbre parc national du pays, voire du continent. Il y a un mois, l'endroit a d'ailleurs rejoint la cinquième position dans le Top 100 de National Geographic des endroits les plus beaux au monde, et a fait à ce titre la couverture du magazine (Macchu Picchu, une de nos prochaines étapes, est par exemple à la 53ième place) ! Rien que ça. On vous dira. Nous avons reconnu tout-à-l'heure au moment où nous avons découvert le lac et les sommets du fond l'endroit où parmi les plus célèbres photos du parc sont prises (comme celle de la couverture de National Geo par exemple). Différentes espèces d'animaux vivent ici, comme des guanacos (une sorte de lama), des renards, des condors, des flamands roses, des cygnes, des nandus (prononcer "gnandou", une sorte d'autruche) ou encore des pumas (on ne sait pas trop si nous avons envie d'en rencontrer un cependant). Nous nous garons devant le centre d'information, discutons avec le ranger pour connaitre les marches possibles, organisons nos trois jours, et déjeunons dans la voiture avant de partir. Seuls deux refuges sont ouverts en ce moment, à cause de la basse saison et de la neige. Et malheureusement, le sentier permettant de rejoindre le point de vue au pied des trois tours (une autre photo ultra célèbre du parc) est fermé à cause des 50cm de neige tombés il y a trois jours. Mince. Heureusement, il est possible de voir les "Torres" depuis la route qui fait le tour du parc. Nous apprenons aussi que le trek "W" est ouvert, contrairement à ce que nous avions entendu. Petite déception pour Fred qui aurait voulu le faire (nous aurions trouvé une tente si nous avions su). Nous en ferons une partie, puisqu'après avoir rejoint ce soir le refuge "Grande Paine", situé à 17km d'ici, nous irons au bout de la vallée "Francès" demain, dormirons de nouveau au refuge, et reviendrons sur nos pas après-demain matin, pour rejoindre la voiture en milieu de journée, et aller voir le reste sur les routes ouvertes l'après-midi. En tout, cela fera 48km de marche. C'est un peu moins qu'Abel Tasman en NZ, où nous étions restés une journée de plus, et nos sacs sont un peu moins lourds (8kg pour Fred et 4 pour Audrey).


Capuches sur la tête, gants et lunettes de soleil sortis, nous commençons la marche. Il ne fait pas très froid, mais un vent de 80km/h fait baisser la température, et fouette notre visage. Tant pis, pas d'autres choix que d'y aller (nous apprendrons plus tard que les vents atteignent parfois 130 ou 150 km/h dans le parc... mais pas aujourd'hui. Le ranger nous aurait prévenus sinon). Nous commençons par suivre la route en gravier, dont nous nous séparons rapidement, pour arpenter les herbes jaunes d'un demi-mètre, s'étendant sur toute la plaine, elle-même entourée de montagnes au loin (dont un joli volcan), et de monts sur notre droite. Pendant deux heures, nous marchons dans ce décor, la tête souvent courbée à cause du vent. Ce n'est pas très agréable, énervant même au début, et le décor nous lasse un peu. Nous faisons une pause, en en ayant un peu marre. Un peu d'eau, quelques gâteaux, et nous repartons. Il nous reste environ trois heures, soit 10km, pour arriver, et il est déjà 15h30. La deuxième partie va néanmoins être plus sympa. Après avoir suivi une rivière pendant 30 minutes, nous passons de l'autre côté d'une colline, et découvrons face à nous un ensemble de sommets à l'allure très particulière, que nous avions dans notre champs de vision depuis un moment, partiellement caché. Une montagne au sommet glacé, dormant entre 2500 et 3000m d'altitude, descendant en formant un glacier un peu bleuté, accompagne cette formation rocheuse aux flancs couleur sable, marquée par une séparation chromatique, et très probablement minéralogique, nette entre le sommet et le corps. C'est très étrange, à croire presque que l'homme est intervenu pour couper net les parois et leur donner cet aspect si particulier. Mais non, tout cela est bien naturel. Après quelques recherches à notre retour, nous apprendrons que cela est le résultat d'un mouvement tectonique recent de la plaque antarctique (il y a une dizaine de millions d'années), qui a modifié la composition des roches, puis par une période de glaciation (de -3 millions d'années à il y a 14 000 ans), qui a sculpté la chaîne pour lui donner son allure d'aujourd'hui. C'est assez impressionant, et différent de ce que nous avons pu voir autre part.

 

Peu à peu, nous nous rapprochons de cet ensemble, et pouvons apprécier les détails, qui se font plus précis. Nous croisons un groupe de chevaux, probablement sauvages, après une heure supplémentaire. Ils nous regardent tous sans bouger, puis s'enfuient rapidement. Avec cette herbe jaune et la montagne derrière, comme ça, au milieu d'une plaine seulement accessible après plus de trois heures de marche, les voir en liberté proccure une sensation particulière. Parfois, voire souvent, nous devons nous écarter du chemin pour éviter des mini-étangs formés par les dernières pluies, et faire de grand détour pour trouver un passage où l'eau n'arrive qu'aux chevilles. C'est là où nous apprécions d'avoir de bonnes chaussures, bien étanches jusqu'au dessus de ces dernières, permettant de franchir ce genre d'obstacles sans trop de soucis. En revanche, la vase et la boue n'aident pas, et nous obligent à rester léger. La lumière commence à baisser, et, bien que fatigués, nous accélérons un peu le pas. Nous laissons la plaine - enfin - et sommes aux portes de la vallée. Nous traversons une forêt brûlée par un incendie il y a quelques années. Les arbres aux petits troncs blancs et noirs ne sont hauts que de quelques mètres, et bordent un grand lac qui ne s'est découvert qu'il y a peu de temps. Comme nous le savions, ce ne sont jamais les premières heures, et le premier jour de marche qui sont les meilleures. Comme à chaque fois, ce premier jour ne sert qu'à rejoindre le point de départ des choses vraiment intéressantes. Et en cette fin de journée, alors que le ciel devient rose, que nous arrivons au refuge après, au total, quatre heures et demi de marche, nous ne regrettons pas d'être là, car le décor est surperbe. Et clairement, les ciels de Patagonie à cette heure de la journée, en plein crépuscule, ne ressemblent à aucun autre. Les couleurs sont différentes, et le dégradé de rose et d'orange change constamment, minutes après minutes. Au dessus du lac Pehoé, encore un peu bleu, et du massif juste à côté, le refuge niché en contrebas et paraissant minuscule face à cette masse de deux kilomètres de haut, la claque visuelle n'est pas loin, sans parler des pics légèrement excentrés dont nous avons parlé un peu plus haut.

 

Nous soufflons un bon coup en entrant dans le refuge désert. Ce dernier est grand, pas du tout éclairé, et accueille probablement une cinquantaine de personnes l'été. Nous tombons sur un grand réfectoire désert, frontale sur la tête pour y voir quelque chose, et trouvons la grande cuisine de la cafétéria, où deux autres jeunes sont là. Un homme vient nous voir pour nous accueillir, et nous montre un dortoir désert où nous pourrons poser nos sacs de couchage sur un des matelas des lits superposés à disposition. Nous avons faim, mangeons quelques gâteaux, préparons un thé, puis dînons peu de temps après, en nous installant dans une pièce chauffée par le feu d'un poêle, que l'homme vient d'allumer. Il a aussi allumé le générateur, pour avoir un peu d'électricité jusqu'à 23h. Nous avons l'idée lumineuse de prendre nos matelas pour les mettre dans cette pièce chauffée, et éviter de dormir dans une chambre où la température doit avoisinner six ou sept degrés, après avoir demandé l'autorisation (personne n'avait jamais fait ça ici apparemment). Nous nous endormons donc au coin du feu, que Fred alimentera pendant la nuit, au son des crépitements et de la lumière changeante des flammes plus ou moins excitées. Nous sommes quasiment seuls à des kilomètres à la ronde, au milieu de la nature, dans le noir, dans une vallée lointaine, en Patagonie, et réalisons que nous sommes tout petits, couchés à côté d'un petit feu d'une pièce quasi-vide dont la lumière ne ressemblerait qu'à une petite étoile depuis les hauteurs du glacier que nous irons voir demain.

 

 

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Commentaires: 1
  • #1

    La Plume de Rosa (vendredi, 12 juillet 2013 08:15)

    du