Le Faré Manuia, Bora bora

Le Fare Manuia, c'est un restaurant situé à côté de notre guesthouse, découvert un peu par hasard en suivant Bob, l'américain rencontré à Moorea, et par facilité, puisque c'est le plus près pour nous. Nous n'avons pas été déçus. On pourrait même dire bluffés. A tel point que nous y sommes retournés le lendemain soir, sans chercher plus loin.


Le cadre est normal, façon restaurant de plage (mais sans vue sur le lagon ou accès à l'eau), pas transcendant, avec un espace intérieur et un à l'extérieur, face au bar sans véritable style. Seul le grand four en pierre à l'entrée, et un homme en train de faire la pâte à pizza, attire notre attention. Ce fut donc la surprise totale en ayant quelques instants plus tard une assiette à tomber, un plat superbement réalisé, original, copieux, et gouteux.


Le service est rapide, et les deux hommes en salle débordent d'énergie. Le genre de relation-client amicale, presque trop, qui fait craindre un côté commercial déguisé, forcé. En fait, il n'en sera rien. Ce ne sera qu'une première impression vite dissipée qui laissera place à de la franchise, un contact direct, et une volonté de bien faire.


La carte est fournie, et pas mal de choses font envie. Des titres sympathiques classent les plats en catégories ("des pâtes oui mais..", "carnivore attitude", ou encore "la gourmandise commence quand on n'a plus faim"). Nous n'aurons pas saisi l'occasion de commander des entrées, mais les plats, notamment celui de Fred - qu'Audrey commadera le lendemain tellement c'était bon - font des ravages. Après avoir hésité, il commande des crevettes de Moorea (comprendre des gambas du lagon, locales...nous sommes dans le Pacifique) sauce curry au lait de coco. Envie de gambas, tout simplement. Parfois, un plat comme celui là est bon, mais est exécuté moyennement, à cause des produits (surgelés, sous vide... ), ne lui permettant pas de sortir du lot, ou de créer l'explosion en bouche qui vous fait vous arrêter de manger les yeux grands ouverts à la première bouchée. Là, si. Les gambas sont entières mais prédécoupées au niveau de la tête, évitant de devoir triturer la bête ou de faire des gestes maladroits (le corps vient tout seul en l'écartant avec les couverts, et la chair est nue, en dehors du bout de la queue), nappées d'une sauce cremeuse blanc cassé, accompagnées de riz et d'une cuillérée de pesto amélioré (un peu plus aillé...un délice dont on se rend immédiatement compte qu'il est fait maison). En bouche, c'est succulent, onctueux, un peu croquant, correctement assaisonné, et surtout, cohérent. Le curry est dosé comme il faut, très légèrement piquant, à peine. Le lait de coco, probablement naturel (et pas concentré, vue la quantité de noix de coco au bord des routes et presque partout), est doux, puissant (mais le dosage est correct), et légèrement sucré. Si l'on ajoute sur la bouchée une pointe du "pesto", dont la belle apparence ne trompe pas, avec de petits morceaux d'ails encore juteux qui n'ont pas pu avoir été découpés hier ou ce midi), relevant d'un coup le goût général du plat sans masquer le reste, c'est parfait. Fred, qui ne s'attendait pas du tout à ce niveau, est pris de court. Whaou, c'est très surprenant. Servi dans un des grands hôtels - ça ne manque pas ici - cela n'aurait pas été étonnant, mais ici, dans ce restaurant sans prétention situé à Matira (le sud de l'île), c'est inattendu. Le pain, apporté dès que nous nous sommes assis, est une sorte de brioche encore chaude, probablement faîte maison. Tout cela sans chichi ou artifice.


Le plat d'Audrey, des tagliatelles carbonara au saumon, est moins détonnant, mais bon.


Du coup, Fred, en faisant connaître son ressenti à l'un des deux hommes de l'équipe (il semble n'y avoir que trois ou quatre personne à faire tourner cette affaire), rencontre le chef, qui vient nous saluer à notre table. L'homme vient du nord de la France, est à Bora-Bora depuis 15 ans, est tatoué, ne paye pas de mine, et est loin d'être en tablier ou habillé formellement. C'est cool ici, ce n'est pas un restaurant de luxe. Fred lui fait part de son étonnement et le félicite chaleureusement, car nous sommes vraiment étonnés par le plat, lui explique qu'il est un passionné de bouffe, et que nous faisons un tour du monde, notamment des saveurs. Le chef semble être un passionné aussi, car il s'emballe en nous racontant comment il a préparé ce plat, les cuissons, le choix des gambas, la provenance de la vanille qu'il utilise parfois (venant de l'île de Taa'a, en face, réputée pour avoir la meilleure vanille au monde... on savait que la vanille de Polynésie faisait partie du top, et nous découvrons du coup la provenant de la meilleure du coin), ou encore ce qu'il aime cuisiner. En parlant de vanille, il nous raconte qu'il a rencontré une locale, depuis le temps qu'il habite ici (il a travaillé pour un grand restaurant à Papeete, et sur quatre ou cinq autres îles, tout comme sur un bateau de luxe) de Taa'a, qui lui sélectionne sa vanille, et lui prépare une pâte de vanille, qu'il fait parfois fondre pour une sauce, ou utilise dans des desserts (comme dans les profiterroles, craquantes, légères, faîtes maisons, que nous prendrons le lendemain). Un produit qu'il avait pensé à exporter pour les grand chefs, ultra authentique et local, qu'il est le seul à obtenir, et qu'il adore utiliser. En bref, le genre de bonhomme à la recherche de l'association qui va bien, qui transcende tout, des produits rares et peu connus, ayant commencé comme apprenti à 14 ans, et ayant su rester simple, humble, accessible... et surtout pas hautain pour un sou, généreux et content de faire partager son goût du bon goût. Il s'en va, revient (à cause de quelques commandes), s'excuse... puis nous laisse sur place par son geste : il va nous chercher un peu de cette pâte de vanille pour nous la faire goûter, puis revient après avoir de nouveau discuter ensemble... avec une bouteille d'1 litre de cette pâte, dont il nous fait cadeau en nous la donnant discrètement. Hallucinant. Incroyable. Le geste qui tue. Nous n'y croyons pas, et prenons bien sûr la bouteille, que nous mettons à l'abri des regards. Nous le remerçions vivement, évidemment. Il s'en va, puis revient vers nous, en nous apportant dans une petite assiette... une belle tranche de foie gras, sur un bout de brioche mi-tendre mi-craquante. De mieux en mieux ! Nous ne savons pas quoi dire, d'autant qu'il fait son foie gras lui-même, et que nous n'en avons pas mangé depuis notre départ. Très bon, pas salé, frais mais pas dur, il est extra. L'homme nous parle du confit d'oignon à la grenadine et au miel qu'il prépare pour l'accompagner, en nous expliquant comment il le prépare, puis tient à nous le faire goûter. Bref, une personne généreuse qui aime parler cuisine, partager ses recettes, ses idées, et qui souhaite faire plaisir aux clients comme à lui-même. En d'autres termes, le restaurant que nous n'aurions pas imaginé trouver ou osé souhaiter. Et la grosse surprise est de le trouver à Bora-Bora,  là où les touristes sont à 90% dans les hôtels de luxe et n'en sortent pas beaucoup, hormis pour quelques excursions. Il fait bon d'avoir choisi d'être dans cette guesthouse, qui nous a permis par son emplacement de découvrir cet endroit.


Nous aurions pu choisir de prendre des tagliatelles aux St Jacques et foie gras maison, ou celles à l'émincé de boeuf, aux pleurotes et au foie gras, ou encore le filet de poulet dans sa croûte de parmesan, mais nous testerons le lendemain le plat du jour, un morceau de boeuf Stroganov (émincé de filet de boeuf en dé, pommes de terres, dans une sauce à la tomate... très bon, mais manquant légèrement de sel. Si ce n'est que ça !).


En y retournant le lendemain, Fred poursuit les discussions de la veille, et David (c'est son nom) vient nous voir de temps en temps pour savoir si tout va bien. Et en plus d'avoir discuté bouffe et fait connaitre l'opinion positive qu'il a eu la veille aux deux autres employés de cette affaire presque familiale, Fred a obtenu un contact pour aller faire de la pêche au gros, via le beau-frère du propriétaire. C'est donc salué authentiquement et sans formalité par Michel et David que nous nous asseyons le lendemain soir. Et que nous fermerons le restaurant, à regarder avec le personnel le match de rugby opposant la France à l'équipe des Blues d'Auckland, en discutant cuisine et produits locaux (notamment des poissons du Pacifique, ou des langoustes géantes de rivière de Tahiti pêchées uniquement de nuit au harpon en bois par les locaux), et en en découvrant d'autres inconnus, comme le crabe "cocotier", un crabe de 40 cm de large que l'on ne trouve qu'aux Tuamotus, grimpant aux cocotiers (à 15m du sol) et mangeant la pulpe de coco (ses pinces sont suffisamment grosse pour ouvrir les cocos), parfumant divinement sa chair... ce sera pour une autre fois (espèrons à Rangiroa, dans 3 jours).


Vous l'avez compris, le Faré Manuia, c'est le restaurant où il faut aller à Bora-Bora.

-------------------------

Cadre : 14/20

Service : 17/20

Produits : 18/20

Menu : 17/20

Rapport qualité/prix : 17,5/20

 

Les détails qui font plaisir :

La passion du chef, son geste, et sa générosité

 

Note globale : 16,7/20

L'adresse :

Matira Point

Bora Bora

 

 

Commentaires: 1 (Discussion fermée)
  • #1

    CHRISTIANE (samedi, 15 juin 2013 10:39)

    vous provoquez vraiment la sympathie!bravo pour votre empathie!mais par votre écoute vous faites aussi plaisir aux gens!!c est la belle histoire des rapports humains!