Jour 7 - Kyoto, deuxième jour

Programme chargé today. Bon, c'est souvent le cas, mais un peu plus ici, à Kyoto. Avec tous ces sites de l'Unesco, Audrey est comme une folle. C'est donc parti pour le grand huit culturel version mademoiselle S.


D'abord, Fushimi Inari-Taisha shrine. Sous ce nom imprononçable se cache une merveille, qui n'est pas classé au patrimoine mondial de l'humanité, chose étrange, mais que nous aurions bien nommé comme site à l'Unesco si c'était nous. Comme quoi. Du coup, c'est quoi ce site, placé au sud de la ville, et accessible en 25 minutes de train (toujours gratuit pour nous, vive le JR Pass !). Et bien d'abord une grande allée, bordée de stands de nourriture (ils n'arrêtent pas avec ces stands, il y en a tout le temps, vous ne trouvez pas ? Bon, ce sont les vacances nationales, cela doit donc expliquer, mais bon), qui donne sur un temple, mais surtout, sur des rangées de portes rouges, plus ou moins alignées entre elles, au milieu d'un parc et d'une forêt de bambou. Fabuleux. Nous avons adoré. Le Japon, c'est ici, on y est, à n'en pas douter. Les pagodes, il y en a en Chine, les bambous aussi, mais ces "toriis" rouges-vermillon typiques, c'est Japan Only. Le lieu est dédié au dieu du riz et du saké, abrite des douzaines de statues de renards (animal considéré comme le messager divin, assez mystique au pays du soleil levant, capable par exemple de "posséder" les humains, et détenant la clé du grenier à riz). Ces toriis sont toutes marquées d'un ou plusieurs idéogrammes japonais, serrées les unes contre les autres, et forment plusieurs chemins, menants au final en haut de la colline où se trouve le temple principal. Encore une fois, ce mélange de vert et de rouge nous a émerveillés. Mais bon, pas le temps de trop trainer non plus. Nous suivons donc le flot de japonais et redescendons calmement, pour reprendre un bus, puis en changer à la gare. Nous sommes déjà en retard sur notre programme. A Kyoto Station, direction l'un des seuls distributeur international de billet de la ville. Et là, impossible de retirer ce que nous voulons. Plafond de retrait atteint pour Fred. Audrey utise sa deuxième carte, malgré les frais associés, la deuxième de Fred coûtant plus cher à utiliser. Nous attrapons quelque chose à nous mettre sous la dent, puis prenons le bus N°100, direction le nord-est de la ville. Queue interminable pour monter, mais ca va, ça passe, nous sommes dedans.


Vers 13h30, nous arrivons au temple d'Argent, Ginkakiyi Temple. A l'intérieur, un jardin japonais, le premier que nous voyons réellement. Il est relativement grand, un circuit permettant d'en faire le tour à pied, en suivant une allée de pierres, de bambous et de camélias, tracée au milieu d'arbustes parfaitement taillés. C'est en 1482 qu'un shogun a fait construire cette villa, et a demandé à ce qu'elle soit couverte d'argent, dans le but de concurrencer le pavillon d'or, construit par son propre grand-père (un autre joyau de Kyoto, que nous visiterons demain). Démagogie, quand tu nous tiens ! Malheureusement, il décède avant. Le jardin est magnifique, élégant, soigné, propre, travaillé. Quelque chose s'en dégage, malgré le nombre de personnes se promenant à nos côtés. Contraste entre l'agitation humaine, mouvements chaotiques des visiteurs, et permanence, ordre, du jardin. Autour des arbres, une surface de sable, ordonnée, lissée, afin de créer une atmosphère, comme si tout cela souhaitait tendre vers la perfection. Et dire que nous sommes au Japon pour observer cela. Impression bizarre de savoir que nous sommes très loin des endroits où nous avions pu voir des reproductions de tels jardins. Là, nous sommes dans le vrai, l'authentique. La "zen culture", au milieu de graviers blancs sur lesquels sont dessinés des motifs au rateau. A l'intérieur du temple, des peintures typiques, minimalistes, mais qui dégagent énormément.


Ensuite, nous marchons en direction d'un autre temple, le Honen-in Temple, construit en 1680. Malheureusement, le hall principal est fermé. Nous pouvons cependant profiter des jardins, toujours aussi zens, déployés autour. Bassin de carpes qui se déplacent au ralenti (elles aussi semblent zen), calme absolu, allée parfaitement tracée au milieu des formes dessinées dans les espaces en graviers blancs, nous resterions bien ici avec un livre. Le temps est superbe, mais il fait un peu froid, peut-être 5°. Le bus que nous prenons pour rejoindre un peu plus tard l'ancienne villa de l'empereur, "Nanzenji", devenue depuis 1291 un temple Zen, nous réchauffe les mimines, le bout du nez, et les oreilles. Le timing est serré, car il nous reste beaucoup à faire aujourd'hui et demain. D'ailleurs, nous arrivons à 16h15, et la fermeture est à 16h30. Le temps quand même de faire le tour d'un autre jardin zen, nommé "Toransho-watashi" (signifiant "young tigers crossing the water", en référence aux tigres peints dans le hall du temple, érigé "Trésor National" par le pays), splendide de simplicité, de raffinement, et de dignité. Le parc abritant tout cela est grand, et d'autres bâtisses jouxtent le jardin, dont les toits sont si caractéristique du Japon. Le soleil commence à piquer du nez, le lieu se vide, et l'heure tourne. A 18h, nous devons être à Gion Corner, un théatre de Kyoto, situé dans le quartier de Gion. Nous prenons de nouveau un bus pour nous y rendre. La rue principale est animée, bordée de petits restaurants et de boutiques de luxe. Dans les rues parallèles, tout est calme. Les demeures sont basses, jamais plus d'un étage, et les devantures se ressemblent toutes, avec ces planches de bois marrons, parfois foncées, parfois claires, verticales, ces portes coulissantes qui ne laissent à aucun moment deviner que se cachent là des restaurants deux ou trois étoiles, des ryokans de luxe, et ces lanternes rouges. Pour la petite bistoire, c'est ici que le film "Mémoires d'une geisha" fut tourné. Les talons de ces dernières résonnent d'ailleurs plusieurs fois. Nous en croisons quelques unes. Après-demain, nous l'apprendrons un peu plus tard, se tient une cérémonie annuelle en leur honneur. Dommage, nous ne serons plus là. Dans ce dédale, nous demandons notre chemin plusieurs fois, et trouvons enfin l'endroit. Idéalement, nous souhaiterions nous offrir un restaurant gastronomique après le spectacle, et aimerions donc pouvoir assister à la première représentation, celle de 18h, pour avoir le temps d'en trouver un ou deux ensuite, et maximiser nos chances de nous mettre à table (impossible de réserver depuis plusieurs jours à cause des vacances et de leur fermeture annuelle). Nous sommes chanceux, la queue n'est pas très longue, et les billets ne pouvaient pas être réservés. Nous intégrons donc la file d'attente. Sur notre côté gauche, une vitrine dans laquelle se trouvent des objets de geishas, comme des boucles pour les cheveux, des bijoux, ou bien des chaussures. A ce titre, ces ornements ont un sens, et en fonction de leur "grade", certaines geishas ne peuvent pas porter certaines choses, réservées à d'autres. Un nouvel exemple de l'importance de la hiérarchie ici. C'est notre tour, et nous pouvons rentrer. Nous attendons patiemment que le spectacle commence, placés au 5ième rang, légèrement décalés côté cour. Au passage, l'appareil photo tombe d'une de nos poches. La lentille est abimée, et n'arrête pas de vibrer. Impossible de focaliser, et donc de prendre des photos convenables. A priori, nous sommes bons pour racheter un appareil. Nous irons au Sony Store de Ginza, à Tokyo, dans quelques jours pour demander un diagnostic.


Enfin, les lumières s'éteignent, mais le rideau ne se lève pas. Commence en effet la cérémonie du thé, excentrée sur le côté droit des spectateurs. Sur la base du volontariat, deux personnes, parmi des dizaines - dont Audrey - sont choisies pour se prêter au jeu. Une geisha arrive, doucement, dans un moment de silence. La cérémonie commence. Les gestes sont précis, calculés, lents, parfaits. La tradition du thé a pris naissance au 8ième siècle. Le rideau se lève après quelques minutes, pendant que la cérémonie continue. Apparaissent derrière le rideau deux femmes, assises sur les genoux, jouant de la harpe japonaise, ou Koto. C'est un instrument à 13 cordes venu de Chine, utilisé à la Cour Impériale, lors de certaines cérémonies. La solennité digne et sonore de cet instrument semble appréciée par le public. Sur la gauche, deux autres préparent une décoration florale, l'Ikebana, plutôt dépouillée, simple, pure, et suffisante. Nous ressentons le soin du détail, comme dans la pièce dans laquelle nous étions dans ce restaurant de tempura hier soir. Là, avec la musique, et ces femmes maîtrisant tout ce qu'elles font, l'ambiance est différente. Un peu comme si nous regardions un film sans parole, mais bien réel. Cela dure 15 minutes. A la base, l'arrangement des fleurs a pris naissance sur les autels où les fleurs étaient disposées devant l'image des ancêtres pour apaiser les esprits. Ensuite, la scène se vide, et un groupe d'hommes arrive calmement. L'un est habillé avec un masque, et sa tenue est impressionnante. Il exécute une sorte de kata, une démonstration de mouvements s'enchainant parfaitement. En même temps, un groupe de quelques personnes jouent une musique ancienne, le Gagaku, signifiant "musique élégante", provenant aussi de Chine. Cette musique accompagnait les banquets de la cour et les rites sacrés dans les temples. C'est encore aujourd'hui une forme authentique de l'art classique japonais. La troisième représentation est une courte pièce de théatre, ou Kyogen (comédie ancienne). Sorte de sketch comique. Les samouraïs apprécaient particulièrement cette forme d'art. Enfin, deux geishas prennent place, pour éxécuter le Kyomaï, ou danse de Kyoto, expression forte et raffinée des sentiments humains. Nous avons été impressionnés par le minimalisme de chaque art, apportant une forme de beauté à laquelle nous ne sommes pas habitués, et contrastant avec nos répères, où il faut souvent faire le plus de choses possibles.


Une fois le spectacle terminé, une queue se forme pour prendre une photo avec les geishas, qui sont à notre sens, mais nous sommes loin d'en être sûr, des apprentis geishas, ou maikos, vu par exemple leur âge. Nous sommes pressés, mais nous disons que nous n'aurons pas l'occasion d'avoir une photo aussi originale de si tôt. Nous attendons donc sagement notre tour. A peine sortis, nous retournons dans la rue principale de Gion, à une centaine de mètres, pour tenter notre chance dans un restaurant que Fred a trouvé, Isshin. Sa particularité est d'être un Keisaki un peu spécial. 


Mais un keisaki au fait, c'est quoi ? C'est un type de restaurant, servant une multitude de petites portions individuelles, souvent entre 8 et 12, en fonction du menu choisi, qui changent chaque jour. Elles dépendent en général de la saison et des produits disponibles, et sont préparées par des chefs respectueux de la tradition, et soucieux de l'esthétique du plat. Les conditions de préparation et de service doivent être exactes, et les températures parfaites bien sûr. Tout doit être élégant. C'est le style traditionnel de cuisine à Kyoto, son expression ultime, même si l'on en trouve dans tous les grands restaurants autre part. Un kaiseki est donc une expérience, autant qu'un repas. Cela vient à l'origine de la cérémonie du thé, dont l'origine au Japon se trouve ici, à Kyoto, où ce dernier, trop puissant pour un estomac vide (lié à la haute teneur en cafféine) obligeait les moines à manger plusieurs petits snacks en même temps. Simple au début, comme un bol de soupe miso et deux ou trois petits plats, ce type de service devint ensuite plus sophistiqué, avec l'ajout d'autres plats. Aujourd'hui, la structure diffère grandement de celle de l'époque, et les japonais distinguent les menus spécifiques pour le thé (les cha-kaiseki), et ceux pour se restaurer. Il existe également un autre sytle, propre à Kyoto (le kyo-kaiseki), basé sur la cuisine traditionnelle locale, et incluant des plats végétariens servis à initialement dans les temples. Les kaisekis sont en général de la haute cuisine japonaise. Nous en avons d'ailleurs beaucoup appris à propos de la cuisine de Kyoto, en nous renseignant pour trouver un restaurant haut de gamme (il y a 5 trois étoiles dans la ville, et 24 deux étoiles !), mais le temps nous manque pour tout vous raconter ici. Nous, ce soir, nous voulions faire un kaiseki, mais chez Isshin, car là-bas, à la place du poisson, c'est du boeuf wagyu. C'est un deux étoiles Michelin, préparant des sashimis de viande aux algues, des makis, des préparations chaudes et froides accompagnées d'une cuillère de purée de gingembre, différentes préparations de riz, de la gelée de yuzu, une crème brulée au thé vert. Quand nous arrivons devant l'entrée, difficile à trouver (comme tous les grands restaurants ici à Kyoto), perdue dans une rue où ne figurent que des portes coulissantes minimalistes de bois foncé, un petit arbre devant l'entrée, dans cette ruelle de belles maisons à côté du canal du quartier Nord de Gion, nous sommes déçus : c'est fermé, toujours à cause des vacances du nouvel an. Le restaurant ouvre demain. Malheureusement, demain, nous allons au ryokan, et ne serons donc pas libres. Déçus, et ayant faim, nous décidons de ne pas nous laisser abattre. Les autres grands restaurants doivent aussi être fermés (d'ailleurs, peu semblent ouverts dans cette rue, où il y en a pourtant apparemment beaucoup), et nous n'avons réservé nulle part. Nous retournons vers là où nous étions hier. Nous avions repéré un restaurant de viande qui nous avait bien fait envie, de l'autre côté de la galerie. Arrivés sur place, la personne à l'accueil ne parle pas anglais. Nous comprenons qu'ils ne servent là aussi que du wagyu, mais les prix nous font hésiter. Autant nous sommes daccord pour un deux étoiles, autant nous ne voulons pas nous ruiner ce soir sans véritablement savoir ce qu'il en est (mais à notre avis, ca devait être bien). En face, nous apercevons ce crabe géant au dessus de la porte de l'autre restaurant. Il avait attiré notre regard hier d'ailleurs. Pas commun une telle entrée. Nous faisons 5 mètres et allons voir la vitrine (les restaurants ont très souvent des vitrines pour exposer leurs plats). Nous n'y avions pas pensé, mais la spécialité ici, c'est le crabe. Nous aimons tous les deux ce produit de la mer, que nous avions pêché il n'y a pas si longtemps en Bretagne pendant les grandes marées, et avons envie d'avoir dans notre assiette ce que nous avons vu. Nous ne serons pas décus, et vous laissons lire la rétrospective dans la partie appropriée du site.


Nous marchons jusqu'à la station de métro pour rentrer, et arrivons vers 23h30. Nous travaillons sur le blog et trions des photos avec un verre au bar de la guesthouse, et nous couchons une bonne heure plus tard.

 

 

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