Jour 5 : La Cité Interdite ne l'est plus pour nous

Allez, lancés depuis quelques jours, et tant de choses à voir dans cette ville, nous allons profiter du beau temps pour voir la Cité Interdite.


Rendez-vous avec l'ami de Fred, sa femme Véronica et leur fils d'un an et demi à 10h devant le portrait de Mao. Facile comme point de rendez-vous, on ne peut pas le louper, et on le voit de loin. Temps magnifique et froid, encore. Par contre, cette fois-ci, les rues ne sont pas verglacées : ça travaille dur pour enlever la glace à la pelle, partout sur la place, et même en sortant de la guesthouse ou en allant au métro. Et dans deux jours, lorsqu'il reneigera, ce sera pareil, tout sera nettoyé rapidement et partout où nous irons. En attendant nos amis, nous reprenons quelques photos, regardons les touristes, l'ambiance sur la place, et avons la chance de voir la relève de la garde. Dans un rituel militaire, les quelques gardes généralement immobiles à cet endroit saluent la relève, se tournent par quarts de tour en tandem, l'un prenant la place de l'autre, et l'autre partant se détendre, fumer une cigarette et discuter avec d'autres, proches de nous. D'ailleurs, une fois qu'ils sont plusieurs - peut-être une dizaine - ceux-ci se rangent "en formation" et quittent la rue en marchant de manière ordonnée. 


Nos amis arrivent ensuite, et nous passons sous le grand bâtiment supportant le portrait de Mao, de l'autre côté. La Cité Interdite est devant nous, et s"étend sur un bon kilomètre, sans pouvoir véritablement s'en rendre compte à cet instant. Nous savons juste que c'est immense. Il y a pas mal de monde. Rapidement, nous rejoignons la construction que l'on voit dans le film "Le Dernier Empereur", le hall de l'Harmonie Suprême, où était par exemple fêté l'anniversaire de l'empereur. Nous l'imaginions plus imposante. Mais tout ce que nous voyons nous plaît beaucoup, le style architectural nous dépayse, nous croisons des dragons de bronze, des trônes dans plusieurs salles de reception (où l'empereur devait rendre justice devant des officiels terrorisés, ou organiser de somptueuses célébrations), des lions en bronze à chaque entrée, tout cela avec les toits recouverts d'une mince couche de neige. Le ciel est bleu, les bâtiments rouges, de nombreuses peintures, juste sous les toits, bleues ou vertes, des décorations dorées, et la neige apporte un blanc qui rend tout cela propre et doux. Le froid, néanmoins, attaque nos mains, notre nez, et nos pieds. On a quasiment aussi froid qu'au Népal (mais nos corps ne sont peut-être plus habitués, depuis notre long séjour en Inde). Véronica est fatiguée, et la poussette n'aide pas. Nous faisons une pause, prenons un thé, et elle décide de rentrer. C'est clairement plus sage, en effet. L'ami de Fred a envie de continuer, car nous n'en sommes qu'à la moitié environ. Nous convenons d'un rendez-vous à un point précis dans 30 minutes, s'il souhaite effectivement revenir, le temps de faire le parcours inverse, d'attendre le taxi avec sa femme, et de refaire le trajet tout seul. Nous, nous nous promenons pendant ce temps dans le jardin dans lequel nous sommes, et nous aventurons dans les quartiers Est de la Cité. C'est qu'il y a de véritables rues, longues, fuyantes vers l'horizon, larges de trois ou quatre mètres, et toujours bordées par ces dorures et ces murs dont la peinture rouge est parfaite (une rénovation a eu lieue il y a quelques années). C'est un véritable dédale. Les sections sont organisées, et c'est une vraie ville. Certains endroits n'étaient à l'époque accessibles qu'à une catégorie sociale, ou interdits à d'autres. La Cité fut interdite d'accès pendant 500 ans. D'ailleurs, toute personne qui tentait d'y entrer sans y être invitée était immédiatement éxécutée. Aujourd'hui, 40 yuans (5 euros) font l'affaire. Et dire que l'Empereur à vécu là, sans pouvoir en sortir !


Fred revient, et nous le retrouvons au point de rendez-vous. Pause rapide pour grignoter un bout (saucisse sucrée presque infâme, poulet et riz), et repartons à la découverte de cette prison dorée. Plusieurs boutiques sont disposées de temps en temps. De nombreuses salles peuvent être vues, avec dedans des décorations d'époque, des objets ayant appartenu à l'empereur, en or massif ou en jade, certains tout petits, comme des bijoux, d'autres d'un mètre de haut, comme des sculptures. Un théâtre aussi, où avaient lieu des représentations, avec différents décors dans la même pièce (tringles et fausses trappes existaient alors, le système est expliqué grâce à une maquette). A l'extérieur, toujours ce même décor, tel que vous vous l'imaginez quand vous pensez aux images typiques de la Chine. Nous nous sentons loin de chez nous. Nous repensons à avant-hier, à la guesthouse, quand nous avons regardé sur une carte du monde où nous étions. Quelle distance. Plus loin de Paris que Buenos Aires peut l'être. C'est un peu fou d'être là. Merci le progrès, car il y a 100 ans à peine, hier, c'était une autre paire de manches. Et sur une echelle de plusieurs millénaires, cela fait juste quelques instants que cela est possible, aussi facilement, aussi rapidement, et dans des conditions de confort inimaginables pour les grands explorateurs du 13 ou 16 ième siècle. Clairement, l'épopée de notre époque n'est plus là même. Ce n'est plus d'aller au bout du monde. C'est d'aller dans l'espace, sur une autre planète. Le voyage, quel qu'il soit, est source de rêves, d'imagination, de réflexions, d'interrogations sur ce que l'homme a pu accomplir, et comment il l'a réalisé. Le pourquoi et le comment. A n'en pas douter, l'armée en terre cuite que nous souhaitons aller voir alimentera ces pensées, tout comme d'autres lieux qui nous replongeront dans l'Histoire et la grande aventure de l'espèce humaine, la seule à laisser autant de témoignages fabuleux et presque intemporels à ces ayeux, malgré les autres, plus négatifs, comme les dommages écologiques dont les effets ne font probablement que débuter. De manière un peu ironique, en réalisant tous ces chefs d'oeuvre faits par l'Homme, comme aussi les cathédrales, palais ou autres en Europe ou ailleurs, on se dit que la mégalomanie de certains a parfois du bon.


Nous terminons l'après-midi en sortant de la Cité par la porte Nord. Nous l'avons par conséquent complètement traversée, mais n'avons parcouru qu'une partie, en ayant laissé de côté l'aile Ouest. Nous sommes un peu fatigués, et avons toujours froid. Mais pas assez pour manquer cette tour en face, en haut de cette colline dans le Jingshan Park, qui permet d'apercevoir la Cité de haut, et offre une vue sur l'ensemble du complexe. Une centaine de marches, et hop, nous voilà devant un grand buddha qui contemple le dédale que nous venons de parcourir. La vue est géniale. Nous pouvons, en outre, regarder les autres parties de la ville, malgré le ciel un peu plus nuageux en cette fin de journée, et apercevons quelques tours au loin. Nous nous rendons aussi compte de la taille de Beijing, et de la toute petite partie que nous avons vue, comme chaque fois que l'on ne passe que quelques jours dans une capitale.


Nous resdecendons, et prenons un tuk-tuk pour rejoindre la station de métro, à l'autre bout. Bonne expérience si l'on peut dire, petite galère, car ce dernier mettra un temps fou à nous emmener à l'endroit où nous souhaitons nous rendre, en nous faisant passer par un chemin alambiqué, croyant que nous souhaitons aussi voir le quartier tout proche du vieux Beijing - les Hutongs. Nous finirons à pied en partant, sachant que l'homme pensait nous arnaquer en nous demandant le prix convenu PAR personne, et non pour tout le groupe comme nous l'avions compris. Nous avons bien fait de ne rien lâcher, car l'oncle de l'ami de Fred rigolera quand nous lui raconterons le moment, en nous disant que, malgré ses insultes à la fin, il avait déjà gagné suffisamment pour cette courte distance. Nous rentrons chacun chez nous, et devons normalement tous aller dîner pour goûter un canard laqué quelque part.


Une heure et quelques plus tard, l'ami de Fred décommande, sa femme n'allant pas très bien. Nous décidons d'aller quand même manger un canard laqué. C'est après tout la spécialité de la ville, non ? Ce fut décevant, mais nous ne regrettons pas l'expérience que nous avons eue. C'est ça le voyage, et ce qu'il en reste. Pas que les belles choses, heureusement. Voir la rubrique "bouffe" pour le détail.


Nous rentrons vers 23h, en métro, et partons nous coucher. Encore une fois, une journée bien remplie. Il va falloir qu'on se pose un peu un de ces jours....

 

 

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