Jour 4 - Prendre le train pour la 1ère fois en Inde

Bon, on avoue, on a triché, on a été petit joueur, pourtant on a essayé, mais on a cédé à la facilité : on a pris notre billet via la guesthouse. On est bien allé à la gare, on voulait vérifier que tous les trains étaient bien complets, mais quand d'autres occidentaux nous ont confirmé qu'il n'y avait pas de train pour aller à Agra avant deux jours, on est rentré à la guesthouse et avons pris un billet pour aller directement à Delhi et changer de plan. Le type de la guesthouse a réservé notre billet pour nous, nous faisant gagner pas mal de temps. A la gare, c'était un vrai capharnaüm (mais pas plus qu'imaginé), avec un bureau spécial pour les touristes.

 

Départ à 9h30. Nous quittons les lieux à 8h (après avoir de nouveau navigué près des Ghats en ce jour de fête - voir autre article). En mangeant un morceau, le manager nous conseille de nous dépêcher. Nous écoutons ses conseils, il peut en effet y avoir du monde sur la route suite à la fête, mais savons que le trajet n'est pas si long puisque nous l'avons fait la veille. Nous partons donc nos sacs sur le dos pour trouver un rickshaw, marchons quelques mètres, et apercevons Diamond qui nous en trouve un rapidement. Audrey a la bonne idée de lui montrer notre billet : il nous dit que notre train est à une gare différente de celle d'hier, à 20km. Heureusement que nous sommes partis dans la bonne direction! Nous quittons donc Varanasi pour une ville extérieure. Après une heure de route et "d'autoroute" (traversée du Gange, innombrables camions garés sur la route...) sur ce tricycle motorisé, nous nous faisons déposer dans une gare où nous sommes les seuls blancs. A la recherche de notre train, qui n'est pas indiqué sur le panneau central, nous demandons de l'aide à quelqu'un. Fred est aussi allé voir à un guichet bondé avec son 17kg sur le dos, et un indien lui a proposé de prendre le relai pour obtenir l'info. Du coup, nous recroisons nos informations, qui concordent. Ce sera le quai numéro 5. Nous traversons une partie de la gare et le rejoignons.

 

Là-bas, un local d'une vingtaine d'années vient vers nous pour là encore nous aider. Il parle un bon anglais, et passe son MBA. Il nous explique comment reconnaitre le numéro du train, le numéro du wagon et sa place. Cela ressemble pas mal au système français, et surement à presque tous les trains du monde (quand on comprend l'écriture locale bien sûr). Notre train a une demi-heure de retard. En l'attendant, deux jeunes filles s'assoient timidement à côté de nous, curieuses. Nous entamons la discussion (limitée à quelques mots d'anglais). Echanges de regards et de sourires. Notre ami étudiant revient et nous prend en charge jusqu'à nos places. Nous le savions, nous sommes dans la classe la plus populaire. Pas de climatisation, il fait quasiment 30°C, mais les fenêtres sont ouvertes. Ce n'est pas, et ne sera pas, une étuve. Les compartiments sont ouverts, donnent sur un couloir central un peu déporté. Nous sommes normalement trois par banc, face à face, avec deux couchettes au-dessus de nous. Nous serons bientôt une dizaine, à discuter tous ensemble. Les gens sont très curieux et avides de contact. Ils le font comprendre, mais ne sont pas à l'initiative. Deux espagnols sont à côté de nous. Ils montent rapidement s'installer sur les couchettes et y resteront tout le voyage. Nous échangeons quelques mots, notamment lorsqu'ils sortiront un saucisson, mais ils resteront dans leur coin alors que nous passerons tout le voyage à discuter et voyager comme les indiens. Nous avons 12h devant nous. Passée la première heure à regarder le paysage, principalement des rizières, et à somnoler, nous commençons à être l'objet de toutes les attentions. Les deux personnes âgées devant nous sont timides, mais des jeunes ne sont pas loin, et les gens passant dans le couloir nous dévisagent. Encore une fois, un regard droit dans les yeux et un sourire désamorcent toutes craintes ou suspicion. Il y a deux occidentaux (quatre en fait avec les espagnols) et tout le monde veut les voir ou les entendre. Cela ira du môme de 12 ans qui n'ose pas dire un mot, à la mère qui veut se faire photographier avec nous (puis son fils veut faire de même). D'autres jeunes s'installent discrètement, et un homme ayant aperçu Audrey s'asseoit et entame la discussion. La situation est drôle. Melting pot de visages, d'âges et de religions (nous apprendrons que les deux personnes âgées sont musulmanes. Un de leurs frères part à Londres). L'homme nous parle de lui, veut en savoir plus sur nous, il fait des regards doux à Audrey. C'est un charmeur. Mais pas trop pénible (pour le moment). Nous regardons son manège amusés. Le temps passe. Nous sommes toujours nombreux dans le compartiment. Il va nous chercher un mélange de céréales épicées se mangeant à la main pour nous faire découvrir ce qui pourrait servir chez nous d'apéritif (voir rubrique "bouffe"). Fred aime, et en reprend. Audrey moins. Les deux hommes en face mangent un fruit local que nous ne connaissons pas. Il nous en offre un, le goût ressemble à de la goyave. Un homme aveugle et cul-de-jatte passe dans le couloir en tapant sur une assiette. Plus tard, des vendeurs ambulants passeront pour servir à manger à qui veut, vendre de l'eau, du jus de fruit, ou du chaï (sorte de thé au lait à moitié salé à moitié épicé, c'est assez bon). 

 

Nous arrivons à une gare. Fred descend pour tenter de trouver les fameux fruits, puisqu'ici, les quais sont remplis de vendeurs ambulants. Certains passent près des fenêtres pour en vendre directement aux voyageurs. Le train redémarre. Audrey s'inquiète car il n'est pas revenu. L'un des jeunes présent dans le compartiment se lève pour parcourir les wagons à sa recherche. L'un a même suggéré de tirer la sonnette d'alarme. Fred a en fait croisé sur le quai l'étudiant du début. Ce dernier lui expliquait comment savoir quand le train redémarre. Fred est monté alors que le train roulait déjà, comme d'autres indiens, des bananes et un coca dans les mains. Ici, les trains démarrent doucement et les portes restent ouvertes. Audrey est soulagée quand elle entend les indiens l'avertir de son retour, et le voit arriver.

 
Il y a toujours autant de monde dans le compartiment. Tout le monde sourit. Nous décidons alors d'interviewer un jeune s'étant glissé près de nous depuis le début, parlant particulièrement bien anglais, une des personnes âgée ayant sa place à côté et notre charmeur invétéré (devenu un poil lourd il est vrai). Il nous chantera même quelque chose, quelques vocalises locales, qui donneront à ce décor une atmosphère un instant envoutante. Audrey répondra par un "La vie en rose" qui interpellera tout le monde. Nous interrogeons donc nos trois amis et écoutons attentivement leurs réponses (cf rubrique "rencontres"). Le jeune parlant anglais traduit pour les autres afin d'être sûr qu'ils aient compris et tous les autres en profitent, écoutent les réponses successives et apportent leurs propres réponses en silence. Tout le monde est intéressé. Notre jeune homme nous explique qu'il part à Delhi pour s'inscrire à l'école d'ingénieur. Il commence en mars. C'est la première fois qu'il quitte la maison.


L'aiguille tourne. Nous sentons que les gens veulent nous aider. En discutant, nous comprenons que cela est culturel, qu'en aidant les autres, Dieu t'aide en échange. Nous sentons que cela a un véritable sens pour eux. C'est vrai que tous les indiens nous répètent que c'est très important d'aider les "invités". Une devise ici est "guest is god", et cela ne semble pas une plaisanterie, ou juste des mots. La différence avec la France est grande dans les rapports humains, pour le peu que l'on en voit et au regard de notre statut. Cela explique probablement une partie du fait que nous nous soyons bien sentis jusqu'à présent ici, en ayant en plus commencé par Varanasi.


Il est 19h. Nous avons écouté de la musique indienne, discuté avec d'autres personnes, écrit en partie cet article. L'attroupement du début s'est bien sûr dissipé après 9h de trajet. Il en reste encore facilement trois ou quatre. Lorsque nous serons arrivés, nous aurons fait 1000km !


L'indien séducteur sera revenu, nous aurons discuté, tout affairé qu'il est à commenter nos traits, notre visage, l'importance de la méditation, ce qu'il pense (il pense que Fred est un acteur et trouve qu'il ressemble à Tom Cruise; un ou deux autres indiens avaient déjà interpellé Fred ces derniers jours pour savoir s'il était acteur...On a bien rigolé!). Nous traversons différents paysages, des villages extrêmement pauvres en bois, nous arrêtons dans des gares, ou au milieu de la voie. Parfois, un indien d'une vingtaine d'années vient s'asseoir près de nous pour observer ce que l'on fait, nous poser des questions...

 

La fin du voyage est un peu longue, mais ce trajet qui aura duré un peu plus d'un aller-retour Paris-New-York se sera bien passé. De nouveau, ce qui s'annonçait comme une grande aventure l'a été, mais nous n'avons pas particulièrement subit ce moment. Nos craintes ont été dissipées, et seule les dernières heures ont été un peu longues. Mais même à la fin, alors que plusieurs personnes dorment, une mère à la dentition parfaite et au sari multicolore viendra voir Fred, alors qu'Audrey tente de dormir elle aussi, pour lui présenter son bébé. Son mari viendra également pour nous parler, et nous dire encore une fois que l'Inde est très diverse mais qu'il y a une grande unité. Il s'étonnera que nous soyons dans cette classe de wagons au milieu de la population indienne, car nous sommes des invités en Inde ("guests of India"). Nous lui expliquerons le pourquoi du comment, et discuterons une petite dizaine de minutes. Il travaille chez UBS et nous donnera son mail, puis nous laissera car doit descendre à cet arrêt, l'avant dernier avant Delhi.


Le retard n'a pas été rattrapé, et nous avons donc trouvé un endroit au dernier moment pour dormir. L'étudiant du début du voyage, toujours aussi prévenant, nous attendra sur le quai pour nous aider. Il se démènera pendant deux heures, cherchant, essayant de négocier une chambre dans la gare, puis dans un autre quartier de Delhi (dans lequel nous irons tous les trois en tuk-tuk, en passant près de nombreuses personnes dormant dans des rues mal éclairées après avoir emprunté un bout d'autoroute) pour enfin nous trouver quelque chose qui ressemble plus à un hôtel de passe qu'autre chose. Mais il est 2h du matin, et nous avons un lit. Il nous mettra en garde contre bien des choses, et nous donnera pleins de conseils précieux. Nous serons stupéfaits par ce geste et cette attitude, qui lui aura pris plusieurs heures... A suivre.

 

 

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Commentaires: 4
  • #1

    Sof (jeudi, 22 novembre 2012 22:13)

    A vous lire on se dit que décidément il semblerait que la gentillesse et la solidarité soient inversement proportionnelles à l'épaisseur du porte-monnaie...
    On vous embrasse fort les amis!!!!

  • #2

    JM - Le cousin (vendredi, 23 novembre 2012 15:27)

    +1 pour SOF
    Sinon vu que je peux pas écrire de commentaires dans les photos "Food"
    Je le fais ici : trop jolie les photos, si vous pouvez nous faire un petit topic sur la cuisine Indienne : street food, épicé, le glorious Masala... ça pique déjà les yeux :-) Pierre Yves vient de recevoir son ESP, je crois que les amplis vont saigner !

  • #3

    Fred (samedi, 24 novembre 2012 12:26)

    C le mieux de voyager avec les locaux
    Excellente experience ce trip en train
    Ca avait l air bien sympa et original
    J aime bien leurs "fenetres" aussi !
    Biz

  • #4

    nikhil (dimanche, 25 novembre 2012 04:47)

    thats great meeting u all hoping that we will meet in future